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matière de culpabilité. Comme la vie est commune entre l’âme et la chair, leur destinée éternelle doit être la même. L’homme intérieur est rappelé à l’homme extérieur, c’est-à-dire la chair est rappelée à l’âme ; elle sera justifiée avec l’âme, ou l’âtre sera punie avec la chair.




VINGT-HUITIÈME SERMON.

SUR LA FÊTE DE PÂQUES.

(HUITIÈME SERMON.)



ANALYSE. — 1. Objection des impies contre l’immolation du Fils de Dieu. — 2. Jésus-Christ n’a pas été immolé par les chrétiens, mais adoré par eux après sa mort. — 3. La bonté de Dieu dans le mystère de l’Incarnation. — 4. Jésus-Christ, par sa résurrection, confond tous ses ennemis.

1. L’apôtre saint Paul nous dit : « Jésus-Christ, notre Pâque, a été immolé[1] ». On demande pour qui ou pourquoi il a été immolé. En effet, des blasphémateurs fanatiques ne craignent pas d’élever la voix et de réclamer en ces termes. Les sanglants mystères des chrétiens sont assurément saints, pieux et pleins de miséricorde. Pour nous, nous sommes assurément des sacrilèges en offrant aux statues des divinités, des oiseaux et des troupeaux. Mais que penser du sacrilège des chrétiens dont le sacrifice parricide consiste dans l’immolation d’un Fils à son Père ? Si je réponds que le Dieu que nous adorons est l’amour même, ils m’objectent : Pourquoi donc Dieu, qui a défendu à Abraham d’immoler son fils, a-t-il permis l’immolation de son propre Fils ? Si je réplique : Jésus-Christ est mort pour tous les peuples, ils me répondent : Il est assurément plein d’amour, votre Dieu qui s’est laissé apaiser par le sang de son Fils, plutôt que d’exiger le sang des peuples. Ils disent enfin : Votre Dieu est impie, car lui qui défend d’immoler un homme aux divinités, a voulu ou permis l’immolation de son propre Fils.

2. Oh ! à quelles extrémités notre religion se voit réduite ! Qu’il est étroit, le sentier qui nous mène au vaste plateau de la foi, quand au contraire la multitude confuse des réprouvés se joue dans les voies les plus spacieuses Que notre chemin est étroit et escarpé ! Ce n’est qu’avec des efforts inouïs que nous portons la vérité ; tant d’arguments séducteurs nous sont opposés que nous nous laisserions facilement convaincre, si nous n’avions pas à enseigner avant tout l’amour de Dieu que nous adorons. L’apôtre saint Paul nous dit donc : « Jésus-Christ notre pâque a été immolé » ; nous disons pourquoi et par qui il a été immolé, afin de justifier de toute accusation de parricide le saint et innocent mystère de notre pâque. Ce n’est pas nous, chrétiens, qui immolons Jésus-Christ, mais nous l’adorons dans sa mort. Vous nous demandez pourquoi nous adorons une victime immolée ? Parce que nous adorons le Fils de Dieu, avant même qu’il ait été immolé. Vous demandez pourquoi il a été immolé ? C’est aux Juifs sacrilègement religieux à répondre ; il leur était prescrit d’offrir à Dieu un agneau pour la pâque ; or, en immolant Jésus-Christ à la place d’un agneau, ils ont offert à Dieu son propre Fils. C’est ce crime des Juifs que l’Apôtre rappelle en ces termes : « Jésus-Christ notre pâque a été immolé », c’est-à-dire immolé par ce peuple auquel Jean-Baptiste montrait le Christ, en disant : « Voici l’Agneau de Dieu, voici Celui qui efface les péchés

  1. 1Co. 5, 7