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SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES : « JE VOUS AI DIT CES CHOSES DEMEURANT AVEC VOUS », JUSQU’À CES AUTRES : « JE VOUS DONNE MA PAIX ; JE NE VOUS LA DONNE POINT COMME LE MONDE LA DONNE ». (Chap. 14,25-27.)

LE SAINT-ESPRIT ET LA PAIX.

En quittant ses Apôtres, le Sauveur leur promet l’assistance du Saint-Esprit, qui les instruira à sa place, comme distributeur de la grâce divine ; ensuite il leur donne la paix, autant qu’une âme fidèle peut la posséder en ce monde, en attendant qu’elle jouisse, dans le ciel, de la paix inaltérable qui est Dieu lui-même ; paix que les mondains ne peuvent goûter les uns avec les autres, loin de Jésus-Christ.

1. Dans le passage du saint Évangile qui précède celui qui vient de nous être lu, le Seigneur Jésus avait dit que le Père et lui viendraient vers ceux qui l’aiment, et qu’ils établiraient en eux leur demeure. Déjà un peu plus haut il avait dit du Saint-Esprit « Mais vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera auprès de vous et qu’il sera en vous[1] ». Ces paroles nous ont fait : comprendre que la Trinité divine demeure tout entière dans les saints comme dans son temple. Maintenant Jésus ajoute : « Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous ». Cette demeure est autre que celle qu’il promet pour l’avenir ; et celle qui doit venir est autre que celle qu’il certifie pour le temps présent. La première est spirituelle et tout intérieure, elle a lieu dans les âmes ; la seconde est corporelle et se manifeste extérieurement aux yeux et aux oreilles. La première béatifie dans l’éternité ceux qui ont été sauvés ; la seconde visite dans le temps ceux qui doivent l’être. Quant à la première, le Seigneur ne s’éloigne jamais de ceux qui l’aiment ; quant à la seconde, il vient et s’éloigne. « Je vous ai dit ces choses », ajoute-t-il, « pendant que je demeure avec vous » ; c’est-à-dire par le fait d’une présence corporelle, qui le leur rendait visible et lui permettait de leur parler.

2. « Mais le Paraclet », continue-t-il, « le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, c’est lui qui vous enseignera toutes choses et vous rappellera toutes les choses que je vous ai dites ». Le Fils parle-t-il tandis que c’est le Saint-Esprit qui enseigne ; de telle sorte que, si le Fils parle, nous entendons ses paroles, mais nous ne les comprenons qu’autant que le Saint-Esprit nous en donne l’intelligence ? Le Fils parle-t-il sans le Saint-Esprit, et le Saint-Esprit enseigne-t-il sans le Fils ; ou plutôt, le Fils n’enseigne-t-il pas lui aussi, et le Saint-Esprit ne parle-t-il pas lui-même ? Et quand Dieu nous dit et nous enseigne quelque chose, n’est-ce pas la Trinité elle-même qui parle et qui enseigne ? Mais précisément parce qu’il y a une Trinité, il fallait indiquer chacune de ses personnes, et concevoir chacune d’elles comme étant distincte des autres, tout en comprenant qu’elles sont inséparables les unes des autres. Écoute le Père, c’est lui qui parle en ce passage : « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils[2] ». C’est encore lui qui enseigne en cet autre endroit : « Tout homme qui entend parler le Père et apprend de lui, vient à moi[3] ». Tout à l’heure tu as entendu parler le Fils ; car il a dit de lui-même : « Tout ce que je vous aurai dit ». Si tu veux assurer qu’il enseigne, rappelle-toi le maître dont il est dit : « Vous n’avez qu’un Maître, Jésus-Christ[4] ». Pour le Saint-Esprit, tu sais qu’il enseigne ; car il est dit : « Lui-même vous enseignera toutes choses » ; écoute-le parler en ce passage des Actes des Apôtres, où il est rapporté que le Saint-Esprit dit à saint Pierre : « Va avec eux, parce que c’est moi qui les ai envoyés[5]. C’est donc toute la Trinité qui parle et qui instruit ; mais si chaque personne n’était signalée individuellement,

  1. Jn. 14, 17
  2. Psa. 2, 7
  3. Jn. 6, 45
  4. Mat. 23,10
  5. Act. 5, 20