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« Voici que plusieurs d’entre vous sont infirmes et malades, et plongés dans un profond sommeil. Que si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions point jugés ; mais en nous jugeant le Seigneur nous châtie pour nous épargner le malheur d’être condamnés avec ce monde ?[1] » Rien n’est plus pénible que la souffrance, rien n’est plus cruel que la maladie, rien n’est plus doux que la santé ; mais pour le salut, rien n’est plus utile que le jeûne. Toutefois la prescription en est dure ; mais ne regarde-t-on pas comme très salutaires les remèdes qu’un médecin prescrit pour détruire la maladie ? O opiniâtre mortalité ! n’est-ce pas elle cependant qui sert à prouver l’utilité du jeûne ? Accomplissez pour Dieu les jeûnes que vous imposent les évêques, si vous ne voulez pas qu’ils vous soient imposés par les médecins, selon cette parole de Salomon : « Ne vous flattez pas de sagesse à vos propres yeux, mais craignez le Seigneur, et abstenez-vous de tout ce qui est mal. Alors vous jouirez de la santé dans votre corps et de la vigueur dans vos ossements[2] ». Jeûnez pour Dieu, puisque vous avez la santé, si vous ne voulez pas jeûner sous les étreintes de la fièvre.
2. Parlons d’abord du baptême. « Jésus », dit l’Évangile, « criait à haute voix : Que celui qui a soif vienne à moi et qu’il boive ». Le Fils de Dieu nous appelle et il est méprisé, dédaigné ; il invite les peuples à la grâce, et on se joue de ses instances. Il presse chacun de nous d’implorer sa clémence. Il nous prépare une source très-pure et unit la foi du saint baptême au sacrement de sa passion. Il nous appelle tous à la foi, mais par amour pour leur propre péché des malheureux refusent la grâce qui leur est offerte. Mais vienne pour eux un commencement de correction, tin commencement de rénovation, et ils se voient contraints de vouloir ce qu’auparavant ils ont refusé. Ils réclament à grands cris ce qu’ils ont négligé de recevoir lorsque Jésus-Christ les appelait. C’est alors que les voisins ou les parents du malade accourent vers nous en disant : Serviteurs de Dieu, bâtez vos pas, venez au secours, sauvez ceux qui vont mourir. Le trouble nous saisit, nous accourons ; la crainte est encore plus vive pour nous que pour eux ; celui qui ne reçoit pas pour vivre, reçoit du moins pour ne pas mourir. Écoutons l’apôtre saint Paul : « Que font ceux qui sont baptisés pour leurs morts, si les morts ne ressuscitent pas ? Pourquoi donc sont-ils baptisés ? Pourquoi sommes-nous en danger à chaque heure, mourant chaque jour ? C’est ainsi que je jouirai de votre gloire que je possède dans le Seigneur. Si, contraint par les hommes, j’ai combattu les bêtes féroces à Ephèse, quel avantage m’en restera si les morts ne ressuscitent pas ? Mangeons et buvons, car nous mourrons demain. Ne vous laissez point séduire ; les conversations mauvaises corrompent les bonnes mœurs[3] ».
3. Isaïe, dans un langage énergique, apostrophe les hommes qui négligent le jeûne « Vous dites : mangeons et buvons, car nous « mourrons demain. Ce péché ne vous sera « pas remis jusqu’à ce que vous mouriez[4] ». Si vous désespérez de vivre, servez Dieu pendant que vous vivez ; car vous mourrez demain. Vous êtes pressé par la brièveté du temps, et plus la foi de Dieu s’impose à vous dans sa nécessité, plus, chaque jour, vous mettez votre vie en opposition avec la foi. O homme ! si vous étiez immortel, que feriez-vous donc, puisque dans le moment même que la mort vous menace vous méprisez les préceptes de Dieu ? Goûtez de toute sorte de nourritures, chargez votre corps d’aliments et dormez. Donnez libre cours à votre intempérance, insultez Dieu dans les bienfaits dont il vous comble pour vous nourrir et vous vêtir. Pendant que le peuple jeûne, vous faites des festins ; quand le peuple fera des festins, vous jeûnerez. C’est un Prophète qui a dit : « L’un a faim, et l’autre est dans l’ivresse[5] ». Il condamne les caprices de votre estomac, ses plaintes et les vices engendrés par la bonne chère ; la privation de ces excès est pour vous une souffrance ; comment donc l’Apôtre vous excuserait-il, lui qui condamne à manger des légumes celui qui n’usait de viande qu’en vue de Dieu ou pour ménager son estomac ? « Que celui qui est faible », dit-il, « mange des légumes[6] » ; et ailleurs : « Ce n’est pas la viande qui nous donne du prix devant Dieu[7] ».
4. La loi prescrit ce que le prêtre commande. Elle prescrit les jeûnes, qui sont toujours

  1. 1 Cor. 2, 30-32
  2. Prov. 3, 7-8
  3. 1 Cor. 15, 19,33
  4. Isa. 22, 13,14
  5. 1 Cor. 11, 21
  6. Rom. 14, 2
  7. 1 Cor. 8, 8