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à l’ignominie de la mort et obtenir la vie éternelle à ce monde condamné à mourir. Sur la terre une Vierge-Mère engendre son Fils en forme d’esclave, et dans le ciel ce même Fils est reçu comme souverain Maître par Dieu son Père. Une Mère engendre un Fils dont elle attend sa propre nourriture, et, simple créature, elle porte dans son sein Celui devant qui le ciel n’est rien. Dans cet enfantement glorieux, ses entrailles rayonnaient de gloire plutôt qu’elles ne souffraient, l’enfant divin croissait dans son sein et formait pour sa mère un fardeau céleste qu’elle portait sans en être surchargée. Son sein renfermait Celui que les cieux ne sauraient contenir, et elle enfanta Celui qui, loin de souiller sa mère, devait par sa naissance purifier le monde de toute souillure. Sainte, elle a cru ; sainte, elle a conçu ; mais elle a été rendue plus sainte encore par son enfantement. Le Verbe n’était que son Epoux, mais il devient son Fils par l’Incarnation ; il était son Créateur, et c’est d’elle qu’il reçoit la vie. La foi de Marie a été pour elle le principe de sa maternité divine ; l’Archange en a été le héraut. Elle devint mère et épouse vierge, et elle eut pour époux Jésus-Christ même qu’elle enfanta. Jésus-Christ n’est-il pas le Verbe sorti de la bouche du Père ? Reçu par la Vierge immaculée, il revêtit dans son sein l’humanité à laquelle il devait rester éternellement uni, selon cette parole du Saint-Esprit s’exprimant par la sagesse de Salomon : « La Sagesse s’est choisi une demeure[1] ». Quelle est cette Sagesse, sinon le Fils de Dieu engendré du Père avant tous les temps ? Quelle est cette demeure qu’il a choisie, si ce n’est l’homme-Christ Jésus dont il s’est revêtu, que la glorieuse Vierge a engendré, que le Saint-Esprit a formé, que l’archange Gabriel a annoncé, que le chœur des anges a célébré, que l’étoile éclatante a manifesté ? Marie n’a été rendue féconde que par Celui-là même qu’elle devait enfanter, et comme la lumière n’a aucun poids, la grossesse de Marie ne fut nullement pour elle un fardeau ; elle tressaillait, au contraire, parce qu’elle n’ignorait pas ce qu’elle portait. Marie est devenue la Mère de Celui qui n’avait pas de père selon la chair. O heureuse Vierge, qui, devenant un nouveau ciel, a mérité de porter Dieu lui-même ? Le Saint-Esprit parlait par l’ange et, en l’écoutant, Marie se sentit pénétrée de son ombre vivifiante.
4. Le Roi des rois, repoussé de partout, ne trouva d’asile que dans une grotte ; il eut pour berceau une crèche, et la plume fut pour lui remplacée par le cilice. Le ciel verse sa rosée divine, et une Vierge enfante ; les étoiles brillent dans le ciel, et les rois tremblent sur la terre. Les anges tressaillent d’allégresse, les bergers sont saisis d’étonnement, les mages consultent les habitants de Jérusalem, et les princes des Juifs sont confondus. Les Prophètes se réjouissent de trouver en Jésus-Christ l’accomplissement de toutes leurs prophéties. « Abraham a vu ce jour, et il s’en est réjoui[2] ». Car aujourd’hui dans sa race toutes les nations ont accès à l’héritage de l’éternelle promesse. Vous avez accompli, Seigneur, ce que vous avez promis dans le passé et vous avez prouvé que vous réaliserez toujours l’objet de vos serments. Car, Seigneur, vous êtes fidèle dans vos promesses, et dans la naissance de Jésus-Christ tout est arrivé comme vous l’avez promis à Abraham. De même tout ce que vous promettez maintenant à votre Église, vous l’accomplirez au second avènement du Sauveur. Celui qui nous apparaît aujourd’hui sur la terre pour sauver le monde, vous apparaîtra un jour au milieu des élus pour rendre à chacun selon ses œuvres. Aujourd’hui se manifeste le maître des archanges, la lumière des anges, l’arbitre des siècles, le libérateur de tous ceux qui cherchent en lui leur refuge, la gloire de l’intégrité, la couronne de la virginité, le secours de la chasteté, le port de la foi, l’aliment de l’innocence, le destructeur des vices, le roi des siècles, l’ami des fidèles, le rémunérateur de la vertu, l’attrait des conversions, la purification des souillures, la guérison des blessures, le guide de la vie, le secours des faibles, le modèle des saints, la voie des Prophètes, l’harmonie du Psalmiste, le charme de la pureté, l’intelligence des voyants, la force de ceux qui persévèrent, la direction du bon chemin, le repos de ceux qui sont agités, le rafraîchissement de ceux qui ont soif, le pardon des péchés, le maître des Apôtres, le précepteur du monde, le persécuteur du démon. C’est Lui qui proclame toute la sagesse des Prophètes ; c’est Lui que prêchent toutes les voix des saints ; la foule des Apôtres se prosterne

  1. Prov. 9, 1
  2. Jn. 8, 56