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la croix, dont le signe a été gravé sur notre front. Ce que la Judée faisait en figure en teignant de sang la porte de ses maisons, l’Église le fait sur notre front, nous apprenant ainsi que l’agneau innocent a été immolé pour nous. Bélier par la fermeté, agneau par l’innocence. Sans doute on remarque dans ces animaux la diversité des sexes ; toutefois leur communauté d’origine établit entre eux une sorte d’égalité.
7. Un Dieu nous est né aujourd’hui dans la chair, et les anges ont annoncé : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté[1] ». Gloire est rendue à Dieu par le triomphe, et aux hommes qui depuis longtemps étaient séparés de Dieu, le sacrement de la paix a été rendu, et le démon a subi une défaite éternelle. Écoutons l’Évangile : « Il y avait aux alentours des bergers qui passaient la nuit à la garde de leurs troupeaux. Un ange du Seigneur leur apparut, une lumière divine les environna et les bergers furent saisis de beaucoup de crainte. L’ange leur dit : Ne craignez point ; car voici que je vous annonce une grande joie pour vous et pour toute la terre ; c’est qu’il vous est né aujourd’hui un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et voici le signe auquel vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant enveloppé de : langes et placé dans une crèche[2] ». Allez, pasteurs, allez à l’étable ; courez promptement à la crèche ; là vous trouverez l’agneau né aujourd’hui, notre joie, couvert, à cause de nos péchés, de langes très-pauvres ; il a voulu s’immoler, non point pour le salut d’un seul peuple, mais pour celui de toutes les nations. Enfant dans l’étable, il a été, jeune encore, suspendu à la croix.
8. La naissance du Sauveur, tel est, selon l’Apôtre, « le sacrement qui a été manifesté dans la chair, justifié dans le Saint-Esprit, connu par les anges, prêché aux gentils, cru dans ce monde, transformé en gloire[3] » ; les patriarches l’ont reçu, les Prophètes l’ont attesté, les auges l’ont fondé, les Apôtres l’ont confirmé, les martyrs l’ont confessé dans leurs souffrances, la vérité l’a enseigné par les faits, notre foi l’a prouvé, la vertu l’a accompli, et il est passé jusqu’à nous par la grâce du divin sacrement. Nous avons de cette foi des témoins sûrs et des docteurs éclairés, les Apôtres. La majesté divine ne pouvait se voir en elle-même, mais elle nous est apparue dans l’humilité de la chair ; et ce qui était caché aux sages dans la puissance céleste, a été révélé aux petits dans l’infirmité corporelle ; et afin que la faiblesse fût relevée, la sublimité céleste s’est humiliée. La divinité s’est humiliée de manière que sans rien perdre de sa nature, elle communiquait de sa force à la faiblesse en se mettant en contact avec elle.
9. Il a été fait comme l’Évangéliste l’a attesté : la force a brillé par la faiblesse. Dieu, en revêtant la nature humaine dans le sein d’une vierge, n’a rien voulu devoir à la chair et tout à l’action divine et à l’union du Verbe ; voulant, par un excès d’amour, réparer l’homme déchu, il a réformé l’homme dans l’homme et a pris une chair vierge dans une vierge. L’Homme-Dieu vous a aimé, et Dieu s’est fait homme pour vous. Il s’est humilié pour vous recevoir, selon cette parole de L’Apôtre : « Il s’est anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave, se constituant dans la ressemblance de l’homme et portant tous les traits extérieurs de l’homme. Voilà pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom[4] ». Il s’est anéanti, et il vous a comblé de biens ; il s’est enseveli dans la plus profonde obscurité, et il vous a inondé de gloire. Il s’est abaissé et il vous a élevé. De là ces paroles inspirées par le Saint-Esprit au roi-prophète : « Seigneur, inclinez les cieux et descendez[5] ». Il est descendu vers vous, afin de vous faire monter vers lui ; il s’est tellement abaissé que celui qui, par sa nature, ne devait pas mourir, est mort pour vous, et cela par sa libre volonté, parce que, s’il n’avait pas voulu mourir, la mort n’aurait eu sur lui aucun empire ; et de même, s’il n’avait pas voulu naître, il était infiniment au-dessus de la condition charnelle. Il a donc voulu naître, afin de vouloir mourir. S’il n’avait pas d’abord subi volontairement la chair, il n’aurait pu souffrir dans la suite, et la mort n’aurait pu l’atteindre, s’il n’avait voulu revêtir notre chair comme condition pour pouvoir mourir. Bien plus, sa chair elle-même ne pouvait mourir, si lui-même ne l’avait voulu, conformément à cette parole : « Je donne ma vie de moi-même, et personne ne me

  1. Lc. 2, 14
  2. Id. 8-12
  3. 1 Tim. 3, 16
  4. Phil. 2, 7-9
  5. Ps. 143, 15