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cherche, je suis avec lui. Tu aimes les honneurs, et peut-être n’y parviendras-tu pas ; quel est celui qui m’a aimé sans pouvoir arriver jusqu’à moi ? Dieu le dit : Pour te procurer un protecteur, ou te faire un ami puissant, tu as recours à un autre qui est moins élevé. Aime-moi, te dit Dieu ; pas n’est besoin de recourir à un autre pour arriver jusqu’à moi ; l’amour te maintient sans cesse en ma présence. Y a-t-il rien de plus doux que cette charité ? Ah, mes frères, ce n’est pas sans raison que le Psalmiste vous disait tout à l’heure : « Les impies m’ont raconté leurs fables, mais elles ne sont pas, Seigneur, comme votre loi[1] ». Quelle est la loi de Dieu ? Son commandement. Quel est son commandement ? C’est ce commandement nouveau que le Christ appelle de ce nom, parce qu’il établit d’autres devoirs. « Je vous donne un commandement nouveau, c’est de vous aimer les uns les autres[2] ». Ecoute attentivement ; voilà bien la loi de Dieu, car l’Apôtre dit : « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Jésus-Christ[3] ». La charité est donc la suprême perfection de toutes nos œuvres. Là est le but, c’est pour cela que nous marchons ; c’est vers elle que nous dirigeons notre course, et lorsque nous serons parvenus jusqu’à elle, nous nous reposerons.


5. Vous avez entendu ces paroles du Psalmiste : « J’ai vu la dernière consommation de toutes choses[4] ». Qu’avait-il vu ? A notre sens, avait-il gravi une montagne élevée dont la cime perçait les nues ? Avait-il aperçu, de là, le circuit de la terre et toute la configuration de l’univers ? Est-ce pour cela qu’il a dit : « J’ai vu la dernière consommation de toutes choses ? » Est-ce digne de louanges d’avoir des yeux corporels assez perçants pour découvrir sur la terre une montagne si élevée, que du haut de son sommet nous puissions contempler le dernier terme de toutes choses ? Ne va pas loin ; je te le dis, gravis la montagne, et vois le terme. Cette montagne, c’est le Christ ; viens au Christ ; de là tu apercevras le dernier terme de la consommation de toutes choses. Quel est ce terme ? Interroge Paul. « La fin des commandements est la charité d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère[5] ». Il dit encoreailleurs : « La plénitude de la loi est la charité[6] ». Y a-t-il rien de plus fini, de plus complètement terminé que la plénitude ? Car, mes frères, l’Apôtre emploie le mot « Fin » dans un bon sens. Ne l’entends donc pas dans le sens de consomption, mais dans celui de terminaison. Autre chose est, en effet, de dire : J’ai fini mon pain ; autre chose est de dire : J’ai fini ma tunique. J’ai fini mon pain, parce que je l’ai mangé ; j’ai fini ma tunique, parce qu’elle est tissée. Dans un cas comme dans l’autre, il est question de fin ; cependant, si le pain est fini, c’est qu’il est anéanti ; et si la tunique est finie, c’est qu’elle est terminée. Du pain fini n’existe plus ; une tunique finie est complètement faire. Interprétez donc le mot fin dans ce dernier sens, même quand on vous lit un psaume et que vous entendez ces mots : « Psaume de David pour la fin ». A chaque instant, dans les psaumes, se présentent ces paroles, et il vous faut comprendre ce que vous entendez. Qu’est-ce à dire : « Pour la fin ? Jésus-Christ est la fin de la loi pour tous ceux qui croiront[7] ». Et qu’est-ce à dire : « Jésus-Christ est la fin ? » C’est que le Christ est Dieu, que la fin des commandements est la charité, et que Dieu est charité ; car le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’un. Pour toi, la fin se trouve là ; ailleurs est la voie. Ne t’arrête pas en route ; prends garde de ne point atteindre la fin. A n’importe quoi tu parviennes, va plus loin, marche toujours jusqu’à la fin. Quelle est la fin ? « Mon bien est de m’attacher « au Seigneur[8] ». Tu t’es approché de Dieu ; tu as terminé ta course ; tu resteras désormais dans la patrie. Attention ! Un homme veut avoir de l’argent ; que ce ne soit pas là ta fin ; pareil à un voyageur, va plus loin. Cherche où tu passeras, et non pas où tu t’arrêteras. Mais si tu aimes ce qui passe, l’avarice te tient dans ses filets ; elle sera pour tes pieds comme une chaîne qui t’empêchera de faire un pas de plus. Va donc encore plus loin ; cherche la fin. Tu veux te procurer la santé du corps, ne t’arrête pas encore là. Qu’est-ce, en effet, que cette santé du corps, que la mort enlève, que la maladie affaiblit, qui est frivole, qui dépérira, qui passera ? Tâche de la posséder, mais afin qu’une constitution maladive ne t’empêche point de vaquer aux bonnes œuvres. En ce cas, elle n’est pas tafin,

  1. Ps. 118, 83
  2. Jn. 15, 12
  3. Gal. 6, 2
  4. Ps. 118, 96
  5. 1 Tim. 1, 5
  6. Rom. 13, 10
  7. Id. 10, 4
  8. Ps. 72, 28