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14. « Celui qui confesse que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu ». Puissions-nous dire à quelques-uns seulement : « Celui qui confesse », non de bouche, mais de fait, non par ses paroles, mais par sa conduite. Il en est, en effet, beaucoup qui confessent de bouche et qui nient de fait. « Nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru ». Encore une fois, comment as-tu connu ? « Dieu est amour ». Jean l’avait déjà dit précédemment : il le répète encore. Il lui était impossible de te recommander la charité d’une manière plus instante qu’en te disant qu’elle est Dieu. Peut-être aurais-tu fait peu de cas de ce don de Dieu. Mépriseras-tu Dieu lui-même ? « Dieu est amour, et quiconque demeure dans l’amour, demeure en Dieu, et Dieu en lui ». Le contenant et le contenu habitent mutuellement l’un dans l’autre. Tu habites en Dieu, mais pour être contenu en lui ; Dieu habite en toi, mais pour te contenir et t’empêcher de tomber : Toutefois, ne va pas croire que tu sois pour Dieu une maison, comme est pour toi la maison qui supporte ton corps ; si celle-ci venait à manquer sous tes pieds, tu tomberais ; retire-toi de Dieu, il restera debout. Il ne perd rien lorsque tu l’abandonnes, il ne récupère rien quand tu reviens à lui. Tu guéris sans lui procurer aucun avantage ; tu te purifies, tu reprends des forces, tu te corriges. Il est remède pour le malade, règle de vie pour le méchant, lumière pour celui qui est plongé dans les ténèbres, demeure pour l’homme sans abri. Tu reçois donc tout de sa générosité. Ne t’imagine pas que Dieu se trouve avantagé en quoi que ce soit, lorsque tu viens à lui ; tu ne deviens pas même son serviteur. Parce que tu ne voudrais pas lui obéir, parce que tous les hommes lui refuseraient la soumission, Dieu manquerait-il pour cela de serviteurs? Dieu n’a nul besoin de serviteurs, mais ses serviteurs ont besoin de lui. C’est pourquoi le Psalmiste s’est exprimé ainsi : « J’ai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu ». Il est le vrai Seigneur. Et qu’ajoute le Prophète ? « Parce que vous n’avez pas besoin de mes biens[1] ». Tu as besoin du bien de ton serviteur ; lui a besoin du tien, car il faut que tu le nourrisses ; tu as besoin du sien, car il te faut son aide. Tu ne peux ni puiser à la fontaine, ni faire cuire ton eau, ni courir devant ton cheval, ni soigner ta monture. Tu le vois, tu as besoin du bien de ton serviteur, de ses services ; par conséquent, tu n’es pas maître dans la véritable acception du mot, puisque tu as besoin de ton inférieur. Celui-là est véritablement notre maître, qui ne nous demande rien ; et malheur à nous si nous voulions nous passer de lui ! Il n’attend rien de nous, et il nous a cherchés lors même que nous ne le cherchions pas. Une de ses brebis s’était égarée, il l’a trouvée et joyeusement rapportée sur ses épaules[2]. Cette brebis était-elle indispensable à son pasteur ? ou plutôt le pasteur n’était-il pas nécessaire à cette brebis ? Plus j’éprouve de plaisir à vous parler de la charité, moins je voudrais arriver au terme de cette Epître ; car nulle autre n’est plus entraînante à nous faire aimer la charité. Rien de plus doux à vous annoncer, rien de plus sain à vous communiquer, à condition néanmoins, que vous vivrez saintement et que vous établirez fortement en vous le don de Dieu. Ne vous montrez pas ingrats ; n’oubliez pont cette grâce infinie du Dieu qui, ayant un Fils unique, n’a pas consenti à n’en avoir qu’un, et qui pour lui donner des frères, a bien voulu adopter d’autres enfants et les destiner à posséder avec lui la vie éternelle.

  1. Ps. 15, 2
  2. Lc. 15, 4-5