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ils les malades ? Les aiment-ils comme malades ? S’ils les aimaient comme tels, ils voudraient les voir toujours tels. Si donc les médecins affectionnent les malades, c’est afin, non pas de les laisser dans leur infirmité, mais de leur rendre la santé. Combien, le plus souvent, ils ont à souffrir de la part des frénétiques ? Quelles paroles injurieuses leur sont adressées ? Presque toujours ils en reçoivent des mauvais traitements. Ils font la guerre à la fièvre de l’infirme, mais ils pardonnent à l’homme. Que dirai-je, mes frères ? Aiment-ils leur ennemi ? Loin de là : ils détestent leur ennemi, c’est-à-dire la maladie ; ils haïssent la maladie, et ils aiment l’homme qui les frappe ; ils abhorrent la fièvre : car de qui, en réalité, reçoivent-ils des coups ? De la maladie, de l’infirmité, de la fièvre. Ils font donc disparaître ce qui leur est opposé, pour ne laisser que ce qui leur vaudra de la reconnaissance. Agis de la même façon. Si ton ennemi te déteste et te déteste injustement, sache que la cupidité du siècle le domine et le porte à te haïr. En le haïssant toi-même, tu lui rends le mal pour le mal. Quel est le résultat de cette manière d’agir ? Je pleurais le sort d’un seul malade, de celui qui te haïssait ; maintenant, puisque tu lui rends haine pour haine, je gémis sur le compte de deux infirmes. Mais il en veut à ta fortune ; il t’enlève je ne sais quels biens, les biens de la terre ; il t’accable de tourments en cette vie voilà pourquoi tu es indisposé contre lui. Ne te tourmente pas ainsi, élève-toi au-dessus de ce monde, jusqu’au ciel ; là, tu auras le cœur au large ; l’espérance de la vie éternelle te mettra à l’abri de n’importe quelle inquiétude. Fais attention à ce que t’enlève ton ennemi ; il ne le ferait pas si celui « qui châtie quiconque devient son enfant », ne le permettait[1]. Ton ennemi est aux mains de Dieu comme l’instrument de fer qui doit guérir tes plaies. Si Dieu sait qu’il est avantageux pour toi d’être dépouillé de tes biens, il le laisse te les enlever ; s’il reconnaît comme utile pour toi que tu sois frappé, il le laisse te donner des coups ; il se sert de lui pour te guérir ; désire donc que cet homme soit guéri à son tour.


12. « Jamais personne n’a vu Dieu ». Voyez, mes très-chers : « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeurera en nous, etson amour sera parfait en nous ». Commence d’aimer, tu arriveras à la perfection. As-tu commencé d’aimer ? Dieu a commencé d’habiter en toi ; aime Celui qui a commencé d’habiter en toi, afin qu’il y établisse plus parfaitement sa demeure, et que, par là, il te rende parfait. « Si nous connaissons que nous demeurons en lui, et lui en nous, c’est qu’il nous a rendus participants de son Esprit ». Bien, grâces à Dieu. Nous savons qu’il habite en nous. Et comment même avons-nous appris que nous savons qu’il habite en nous ? C’est que Jean nous a dit : « Il nous a rendus participants de son Esprit ». Comment savons-nous qu’il nous a fait entrer en participation de son Esprit ? » Cela même, c’est-à-dire qu’il nous a rendus participants de son Esprit, qu’est-ce qui te l’apprend ? Scrute les plus secrets replis de ton cœur ; si la charité le remplit, tu as l’Esprit de Dieu. Comment savons-nous que tel est pour toi le moyen de connaître que l’Esprit de Dieu habite en toi ? Interroge l’apôtre Paul : « Parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[2] ».


13. « Nous avons vu et nous rendons témoignage que le Père a envoyé son Fils pour être le Sauveur du monde ». Vous tous qui êtes malades, rassurez-vous ; un pareil médecin est venu en ce monde, et vous manqueriez de confiance ? La maladie était grave, les plaies incurables, l’infirmité portée à ses dernières limites. Tu fais attention à la grandeur du mal, et tu oublies de remarquer la toute-puissance du médecin ? Tu t’abandonnes au désespoir ? mais le médecin peut tout ; nous en avons pour témoins ceux qui, d’abord guéris par lui, ont ensuite prêché son nom ; ne l’oublie pas, néanmoins : ces hommes ont été guéris plutôt en espérance qu’en réalité ; car ainsi s’exprime l’Apôtre : « Car nous ne sommes encore sauvés qu’en espérance[3] ». La foi a commencé notre guérison ; elle s’achèvera au moment où « ce corps corruptible sera revêtu d’incorruptibilité, et lorsque ce corps mortel sera revêtu d’immortalité[4] ». C’est là de l’espérance, et non de la réalité. Mais quiconque goûte les joies de l’espérance, possédera aussi celles de la réalité, et quiconque ne connaît pas les unes, ne connaîtra pas non plus les autres.


  1. Héb. 12, 6
  2. Rom. 5, 5
  3. Id. 8, 24
  4. 1 Cor. 15, 53-54