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quand on. prononce devant vous l’éloge de la charité ? Que vous ai-je montré ? Ai-je étalé devant vous quelque peinture ? Ai-je fait briller à vos yeux l’or et l’argent ? Ai-je tiré d’un trésor des pierres précieuses ? Qu’ai-je fait paraître de semblable en votre présence ? Les traits de mon visage se sont-ils altérés pendant que je vous parlais ? J’ai un corps ; je suis le même qu’au moment où je suis venu ici ; vous êtes ce que vous étiez, lorsque vous êtes entrés ; je fais l’éloge de la charité, vous élevez la voix. Certainement, vous ne voyez rien ; mais ce qui vous plaît lorsque vous applaudissez, puisse-t-i1 vous plaire toujours, afin que vous le conserviez dans votre cœur ! Car, mes frères, remarquez bien ce que je vous dis : autant que le Seigneur me le permets, je vous engage à vous procurer un inappréciable trésor. Si l’on vous montrait un vase ciselé, doré, artistement travaillé, si bien fait qu’il attire à lui les regards de votre corps, et toutes les puissances de votre âme, et vous fasse admirer le talent de l’ouvrier, le poids de l’argent, l’éclat du métal, chacun de vous ne s’écrierait-il pas : Oh, si j’avais ce vase ! Et vous parleriez inutilement, puisqu’il ne vous appartiendrait pas. Ou, si quelqu’un voulait l’avoir, il imaginerait le moyen de l’enlever de la maison étrangère où il se trouverait. Je vous fais l’éloge de la charité : si elle vous convient, ayez-la, possédez-la ; pas n’est besoin que vous la dérobiez à un autre, ou que vous pensiez à l’acheter ; elle est à votre disposition, et pour rien. Mettez la. main dessus ; saisissez-la ; rien de plus doux qu’elle. Et si vous la trouvez telle quand on vous en parle, que sera-ce quand vous la posséderez ?


11. S’il en est parmi vous, mes frères, pour vouloir conserver la charité, ils doivent avant tout ne pas la croire méprisable ou paresseuse ; il ne faudrait pas non plus s’imaginer que sa conservation est le résultat, non pas d’un peu de douceur, ou, plutôt, de la douceur, mais du relâchement ou de la négligence. Ne va pas t’imaginer que tu aimes ton serviteur, parce que tu ne le frappes jamais ; ou ton ;. fils, parce que tu lui ménages les sévérités. de, la discipline ; ou ton voisin, parce que tu ne le reprends point. Ce n’est pas là de la charité, c’est de la mollesse. La, charité doit être ardente à corriger, à ramener au bien ; mais si les mœurs d’autrui sont régulières, qu’on s’en réjouisse ; si elles sont dépravées, qu’on les redresse. Dans un homme, aime l’homme, et déteste l’erreur ; car l’homme est l’œuvre de Dieu, tandis que l’erreur est le fait de l’homme, Aime ce : que Dieu a fait, mais n’aime pas ce que fait l’homme. Aimer l’œuvre de Dieu, c’est l’élever ; la chérir, c’est la rendre meilleure ; et lors même que tu sévis, tu agis uniquement par le désir de corriger ; aussi la charité s’est-elle manifestée sous la forme de la colombe, qui est descendue sur le Sauveur[1]. C’est sous cette forme de colombe que le Saint-Esprit est descendu pour répandre la charité dans nos âmes. Pourquoi cela ? La colombe n’a pas de fiel ; cependant, elle emploie son bec et ses ailes à défendre son nid ; et si elle fait du mal, elle le fait sans amertume. Ainsi agit un père ; car il corrige ; son fils, il le corrige pour le ramener au bien. Comme je l’ai dit : le corrupteur veut vendre sa victime, et il met de l’amertume dans ses caresses : un père veut rendre meilleur, et il, châtie sans y mettre aucun fiel. Soyez tels pour tous. Voyez, mes frères, la grandeur de cet enseignement, la beauté de cette doctrine l Chacun a des enfants, ou désire. en avoir ; ou, si on a résolu,. sans retour, de n’en point avoir selon la chair, on souhaite au moins d’en avoir selon l’esprit ; alors, où est le père qui ne corrige pas ses enfants ? Où est l’enfant qui n’est pas châtié par son père[2] ? Celui-ci, pourtant, semble faire du mal ; c’est l’amour, c’est la charité.qui, punit ; elle punit, pour ainsi dire, sans amertume, à la manière d’une colombe, et non comme un corbeau. A cette occasion, mes frères, il me vient à l’esprit de vous dire que ces violateurs du précepte de la charité ont fait schisme ; comme ils détestent la charité, de même ils haïssent la colombe. Mais la colombe les condamne. Elle descend du ciel ; les nuées s’ouvrent ; elle se repose sur la tête du Sauveur. Pourquoi cela ? Afin, qu’on entende : « C’est, lui qui baptise[3] ». Arrière, voleurs ; arrière, envahisseurs du patrimoine du Christ. Vous avez osé planter vos titres de dominations dans vos propriétés,. partout où vous prétendez dominer. Le Christ connaît ses titres ; il réclame son bien ; il ne détruit pas d’inscriptions ; il entre, et, par là même, il possède. Ainsi, chez celui qui vient à la

  1. Mt. 3, 16
  2. Héb. 12, 7
  3. Jn. 1, 33