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 Prenez garde de faire vos bonnes œuvres devant les hommes, afin qu’ils vous voient ; autrement, vous n’aurez pas de récompense de votre Père qui est dans les cieux ». Et que signifient ces mots : « Que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite[1] », sinon que la main droite est le symbole d’une conscience pure, et que la gauche est celui de la convoitise mondaine ? Plusieurs se distinguent par un grand nombre d’actions éclatantes ; la convoitise mondaine est le mobile de leur conduite ; c’est la main gauche, et non leur main droite qui agit. La main droite doit agir sans que la gauche le sache, car, lorsque la charité nous porte à faire du bien, il ne faut pas que la cupidité du siècle vienne s’y mêler. Comment le savons-nous ? Tu es en présence de Dieu ; interroge ta conscience ; vois ce que tu as fait, examine tes intentions secrètes As-tu voulu travailler au salut de ton âme, ou attirer les louanges creuses des hommes ? Scrute ton cœur. Car on ne peut juger celui dont on ne peut scruter les pensées. Si nous sentons en nous un cœur persuadé, ayons-le tel en présence de Dieu. « Si notre cœur nous condamne », c’est-à-dire nous accuse intérieurement d’agir avec des intentions autres que celles que nous devons avoir, « Dieu est plus grand que notre cœur, et il « connaît tout ». Aux yeux de l’homme, tu dérobes tes pensées ; si tu le peux, dérobe les aux yeux de Dieu. Comment en ôter la connaissance à ce Dieu, à qui un pécheur, confus et sincère, disait autrefois« Où irai-je devant votre Esprit ? Où fuirai-je devant votre face ? » Il cherchait où fuir pour éviter le jugement de Dieu, et il ne trouvait pas de place. En effet, où Dieu n’est-il pas ? « Si je monte dans les cieux, vous y êtes ; si je descends aux enfers, je vous y trouve[2] ». Où iras-tu ? Où fuiras-tu ? Veux-tu écouter un conseil ? Tu veux l’éviter ? Jette-toi dans ses bras. Jette-toi dans ses bras ; et, pour cela, avoue tes fautes, ne cherche pas à te dérober à ses regards ; car, tu ne peux t’y soustraire, mais tu peux faire l’aveu de tes péchés. Dis-lui : « Vous êtes mon refuge[3] », et nourris en toi la charité, qui, seule, conduit à la vie. Que ta conscience te rende ce témoignage, parce qu’elle est la voix de Dieu. Et puisqu’elle vient de Dieu, n’aie point lavolonté de l’étaler sous les regards des hommes ; car leurs louanges sont aussi incapables de t’élever au ciel, que leurs critiques de te jeter dans la boue. Que celui-là y lise, qui couronne tes mérites ; prends pour témoin celui qui te jugera et te donnera la récompense. « Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît tout ».


4. « Mes bien-aimés, si notre cœur ne nous condamne pas, nous pouvons nous approcher de Dieu avec confiance ». Qu’est-ce à dire : « Si notre cœur ne nous condamne pas ? » S’il nous dit, en toute vérité, que nous aimons, et qu’en nous se trouve une charité vraie, non pas feinte, mais sincère, désireuse du salut de nos frères, étrangère à toute pensée de lucre, ne demandant au prochain rien autre chose que son salut, « nous pouvons nous approcher de Dieu avec confiance ; et tout ce que nous demanderons, nous le recevrons de lui, parce que nous gardons ses commandements ». C’est pourquoi nous devons scruter notre cœur, non en présence des hommes, mais sous le regard de Dieu qui en connaît les pensées. « Nous pouvons donc nous approcher de Dieu avec confiance, et tout ce que nous demanderons, nous le recevrons de lui, parce que nous gardons, ses commandements ». Quels sont ses commandements ? Faut-il donc le redire toujours ? « Je vous donne un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez les uns les autres[4] ». C’est de la charité que parle Jésus ; c’est elle qu’il nous recommande. Quand on a la charité fraternelle, et qu’on l’a devant Dieu, dans le cœur où pénètrent ses regards ; quand on interroge sérieusement son cœur, et qu’après mûr examen il ne répond qu’une chose, à savoir que la vraie racine de la charité s’y trouve, on peut approcher de Dieu en toute confiance, et tout ce qu’on lui demandera, on le recevra, parce qu’on garde ses commandements.


5. Une difficulté se présente ici : Celui-ci ou celui-là, toi ou. moi, nous demanderons quelque chose au Seigneur notre Dieu ; si je ne reçois rien, chacun d’entre vous n’aura-t-il pas une belle occasion de dire de moi : Il n’a pas la charité ? Il est facile d’en dire autant de tout homme de notre temps ; qu’on pense ce qu’on voudra de ses semblables, ladifficulté

  1. Mt. 6, 1-3
  2. Ps. 138, 7, 8
  3. Id. 31, 7
  4. Jn. 13, 34