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grandes que celles que je fais maintenant ; je ferai des œuvres plus grandes par celui qui croit en moi, que je n’en ai fait sans lui et par moi-même. Cependant, c’est toujours moi qui agis sans lui, comme c’est toujours moi qui agis par lui ; mais quand j’agirai sans lui, il ne les fera pas lui-même. Quand j’agirai par lui, il ne les fera point par lui-même, mais il les fera lui-même. Or, faire de plus grandes choses par lui que sans lui, ce n’est point de ma part un abaissement, mais une condescendance. Car, qu’est-ce que les serviteurs du Seigneur peuvent lui rendre pour tout le bien qu’il leur a fait[1] ? Entre tous ses dons, le moindre n’est pas d’avoir daigné leur accorder de faire par eux-mêmes des œuvres plus grandes que celles qu’il avait faites sans eux. Le jeune riche, qui lui demandait le moyen d’acquérir la vie éternelle, ne s’éloigna-t-il pas tout triste après l’avoir entendu[2] ? Il l’entendit et s’éloigna. Et cependant, ce qu’un seul n’a pas fait après avoir entendu le Maître lui-même, une foule d’autres l’ont fait, lorsque ce bon maître leur a parlé par ses disciples : méprisé par le riche qu’il avertit lui-même, il a été aimé de ceux qui, étant riches, ont embrassé la pauvreté à la voix de gens pauvres. Ainsi il a fait de plus grandes choses par la prédication de ceux qui ont cru en lui, qu’il n’en a fait par lui-même sur ceux qui l’entendaient.
2. Mais voici encore une difficulté qui m’embarrasse, c’est qu’il a fait ces plus grandes choses par l’entremise de ses Apôtres, et pourtant il ne faisait pas allusion à eux seuls, et n’a pas dit : Vous ferez les œuvres que je fais, et vous en ferez même de plus grandes. Mais il parlait de tous ceux qui appartiennent à sa famille, et il voulait qu’on le comprît bien ; c’est pourquoi il dit : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes encore ». Si donc quiconque croit, fera ces œuvres, il va de soi que celui qui ne les fait pas ne croit pas. Ainsi il dit ailleurs : « Celui qui m’aime garde mes commandements[3] », d’où il suit assurément que celui qui ne les garde pas, ne l’aime pas. De même il dit en un autre endroit : « Celui qui écoute les paroles que je dis et les pratique, je le comparerai à l’homme prudent qui bâtit sa maison sur la pierre[4] ». Donc celui qui n’est pas semblable à cet homme prudent, ou bien entend ces paroles sans les pratiquer, ou bien ne les entend pas du tout. « Celui qui croit en moi », dit-il, « quand il serait mort, vivra [5] ». Celui donc qui ne vivra pas, ne croit pas : c’est évident, il en est de même pour ces paroles : « Celui qui croit en moi, fera les œuvres » ; assurément celui qui ne les fera pas ne croit pas. Mais qu’est-ce que cela veut dire, mes frères ? Faut-il ne point compter au nombre de ceux qui croient en Jésus-Christ celui qui n’a pas fait des œuvres plus grandes que celles de Jésus-Christ ? Ce serait dur, absurde, intolérable ; pour supporter une pareille doctrine, il faut la comprendre. Écoutons donc l’Apôtre : « L’homme qui croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice [6] ». Dans cette œuvre, faisons les œuvres de Jésus-Christ ; car croire en Jésus-Christ, c’est faire l’œuvre de Jésus-Christ. Cette œuvre, il l’opère en nous, mais non pas sans nous. Maintenant donc, écoute et comprends : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais moi-même ». Je les fais d’abord, ensuite il les fera lui-même, parce que je fais en sorte qu’il les fasse. Et quelles sont ces œuvres ? N’est-ce pas de pécheur devenir juste ?
3. « Et il en fera de plus grandes ». De quelles œuvres est-il ici question, je vous le demande ? Est-ce que celui qui opère son salut avec crainte et tremblement fait des œuvres plus grandes que toutes celles de Jésus-Christ[7] ? Cette œuvre du salut, Jésus-Christ la fait lui-même en lui, mais non sans lui. Or, je n’hésite pas à le dire : c’est là une œuvre plus grande que la création du ciel et de la terre, et de tout ce que nous voyons dans le ciel et sur la terre. En effet, le ciel et la terre passeront[8], mais le salut et là justification des prédestinés, c’est-à-dire de ceux que Dieu connaît d’avance, demeureront toujours. Dans le ciel et la terre nous voyons l’œuvre de Dieu, mais dans les élus nous voyons l’image de Dieu. Dans le ciel se trouvent les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances ; les Archanges et les Anges, qui sont des œuvres de Jésus-Christ. Fait-il une œuvre plus grande que la création de ces esprits, celui qui, avec la coopération de Jésus-Christ, assure son salut éternel et sa justification ? Je n’

  1. Ps. 115, 12
  2. Mt. 19, 16-22
  3. Jn. 14, 21
  4. Mt. 7, 24
  5. Jn. 11, 25
  6. Rom. 4, 5
  7. Phil. 2, 12
  8. Mt. 24, 35