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garder le souvenir de ce que nous vous en avons dit, et de venir avec régularité écouter attentivement ce qui nous reste à vous dire sur cette Epître, pour vous l’expliquer dans son entier. Ouvrez votre cœur à la bonne semence ; arrachez-en les épines afin qu’elles n’y étouffent pas le grain que nous y déposons, et que la récolte y vienne abondante ; le laboureur aura ainsi lieu de se réjouir, et il préparera pour vous, non pas le feu comme si vous étiez de la paille, mais ses greniers, parce que vous serez du bon grain.

SIXIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES : « PAR LA NOUS CONNAISSONS QUE NOUS SOMMES ENFANTS DE LA VÉRITÉ », JUSQU’A CES AUTRES : « ET C’EST L’ANTÉCHRIST DONT VOUS AVEZ ENTENDU DIRE, ETC. » (Chap. 3, 19-24 ; 4, 1-3.)

LA FOI ET LES OEUVRES.



Le commencement de la charité consiste à donner son superflu ; puis la parole de Dieu et l’espérance de la vie éternelle lui servent d’aliment et l’aident à arriver à sa perfection. Elle seule donne du prix à nos œuvres de miséricorde, et, si elle est sincère, elle nous ouvre le cœur de Dieu et le dispose à nous accorder tout ce que nous lui demandons, pourvu que nous le demandions dans l’ordre du salut. En effet, soit qu’il obtempère, soit qu’il résiste à nos désirs, des lors que nous désirons avant tout nous sauver, il nous exauce toujours, tandis qu’en cédant aux instances des pécheurs, il ne les exauce nullement par rapport au salut. Ce qui décide Dieu à nous exaucer, c’est notre foi en Jésus-Christ et notre amour pour nos frères : ces deux vertus l’amènent à demeurer en nous. Mais comment savons-nous s’il demeure en nous ? L’esprit de Dieu nous l’apprend, quand, au témoignage de notre conscience, nous savons que nous avons la foi en Jésus-Christ, et que notre foi se traduit en couvres de charité.



1. Si vous vous en souvenez, mes frères, nous avons, hier, terminé notre discours par cette pensée que vous avez sans doute conservée et que vous conserverez dans votre cœur, parce que nous vous l’avons communiquée en finissant : « Mes petits enfants, n’aimons pas seulement de parole ni de langue, mais par les œuvres et en vérité ». L’Apôtre continue ainsi : « Par là, nous savons que nous sommes enfants de la vérité, et, en présence de Dieu, nous sentons nos cœurs persuadés. Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît tout ». Il avait dit : « N’aimons pas seulement de parole et de langue, mais par les œuvres et en vérité ». Nous voulons savoir à quelle couvre, à quelle vérité on reconnaît celui qui aime Dieu ou celui qui aime son prochain. Jean avait dit plus haut jusqu’où doit aller la charité pour être parfaite ; le Sauveur l’avait lui-même déclaré dans l’Evangile : « Personne ne peut témoigner un plus grand amour, qu’en donnant sa vie pour ses amis[1] ». Et l’Apôtreavait, à son tour, ajouté ceci : « Comme il a donné lui-même sa vie pour nous, ainsi devons-nous donner la nôtre pour nos frères ». Voilà, évidemment, la charité parfaite ; il est absolument impossible d’en trouver de plus grande. Mais comme elle ne se trouve point parfaite en tous, celui qui ne la possède pas dans toute sa perfection ne doit nullement se désoler, pourvu qu’elle ait déjà pris naissance en lui, et qu’elle soit, par conséquent, susceptible d’arriver à son comble. Car si elle s’y trouve déjà, il faut la nourrir et la conduire à la perfection qui lui est propre en lui donnant des aliments choisis et spéciaux. Nous avons cherché à découvrir le point initial de la charité, à savoir où elle commence, et, aussitôt, nous avons trouvé dans l’épître de Jean ces paroles : « Un homme qui a les biens de ce monde, et qui, voyant son frère dans la détresse, lui ferme son cœur et ses entrailles, comment aurait-il en soi l’amour de Dieu[2] ? » Mes frères, cette charité commence donc à exister, lorsqu’on donne de son superflu aux malheureuxplongés

  1. Jn. 15, 13
  2. Jn. 3, 16, 17