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d’un autre côté, par ces paroles de la même épître : « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous ». Placé entre ces deux extrémités, l’homme ne sait ni ce qu’il doit dire, ni l’aveu ou la déclaration qu’il peut faire. Affirmer qu’on est sans péché, c’est dangereux, et c’est non-seulement dangereux, mais encore mensonger. « Nous nous séduisons nous-mêmes », dit Jean, « et la vérité n’est point en nous, si a nous disons que nous n’avons pas de péché ». Ah, si seulement tu n’en avais pas et que tu pusses le dire ! Car tu dirais vrai, et à déclarer la vérité, tu ne craindrais pas d’être souillé de la moindre apparence de péché. Mais si tu tiens un pareil langage, tu fais mal, parce que tu dis un mensonge. « La vérité », dit l’Apôtre, « n’est pas en nous, si nous disons que nous sommes sans péché ». Il ne dit pas : Nous avons été, afin de ne pas sembler faire allusion à la vie passée. Car cet homme a eu des péchés ; mais du moment qu’il est devenu enfant de Dieu, il a commencé à ne plus en avoir. Les choses étant ainsi, nulle difficulté ne nous embarrasserait. Car nous dirions : Nous avons été pécheurs, mais aujourd’hui nous sommes justifiés. nous avons eu des péchés ; aujourd’hui, nous n’en avons plus. Mais ce n’est pas de la sorte qu’il s’exprime : que dit-il donc ? « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons, et la vérité n’est pas en nous ». Quelques moments après il ajoute : « Quiconque est né de Dieu, ne pèche point ». Jean lui-même n’était-il pas né de Dieu ? Si Jean, de qui vous avez entendu dire qu’il reposa sur la poitrine du Sauveur, n’est pas né de Dieu, quelqu’un osera-t-il espérer avoir obtenu la faveur de la régénération, refusée à l’Apôtre qui, pourtant, a mérité de reposer sur le cœur de Jésus ? Celui que le Seigneur aimait par-dessus tous les autres[1], aurait-il été seul à ne pas recevoir du Christ la vie de l’Esprit ?


2. Examinez maintenant ces paroles : je vous recommande encore notre embarras, afin que, en raison de votre attention, qui est, pour vous et pour nous, une véritable prière, Dieu dilate nos esprits et nous permette de sortir de cette difficulté : ainsi, personne ne trouvera une occasion de perte dans la paroledu Tout-Puissant, qui a été prêchée et écrite uniquement pour nous guérir et nous sauver. « Tout homme qui fait le péché et commet l’iniquité ». Ici, ne fais aucune distinction : « Le péché, c’est l’iniquité ». Ne dis pas : Je suis un pécheur, mais je ne suis pas un homme inique : « Le péché, c’est l’iniquité ». Vous savez que Dieu s’est « rendu visible pour se charger de nos péchés, et le péché n’est point en lui ». Quel avantage retirons-nous de ce qu’il est venu sans péché ? « Quiconque ne pèche point demeure en lui, et quiconque pèche, ne l’a point vu et ne le connaît pas. Mes petits enfants, que personne ne vous séduise. Celui qui fait les « œuvres de justice, est juste comme Jésus-Christ est juste ». Nous l’avons déjà dit : le mot « comme » s’emploie d’habitude, non dans le sens de l’égalité, mais dans celui d’une certaine ressemblance. « Celui qui commet le péché est enfant du démon, parce que le démon pèche dès le commencement ». Nous avons ajouté que le démon n’a créé ni engendré personne, mais que ses imitateurs semblent tenir de lui la vie. « Le Fils de Dieu est venu dans le monde pour détruire les « œuvres du démon[2] ». C’est donc pour détruire le péché qu’est venu Celui qui est sans péché. L’Apôtre continue : « Quiconque est né de Dieu, ne commet point le péché, parce que la semence de Dieu demeure en a lui, et il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu ». Voilà une parole qui nous ôte toute liberté d’action. Par ces paroles : « Il ne pèche pas », Jean a peut-être voulu désigner un péché en particulier, et non toute sorte de péchés ; de la sorte tu devrais regarder ce passage : « Celui qui est né de Dieu ne pèche pas », comme ayant rapport à une seule espèce de fautes que ne peut commettre ce qui est né de Dieu. Cette faute serait de telle nature que quiconque s’en rendrait coupable imprimerait sur toutes ses autres prévarications le sceau de la permanence, et quiconque s’en préserverait, ferait, par – là même, disparaître tous ses autres péchés. En quoi consiste ce péché ? A violer la loi. Quelle loi ? « Je vous donne une loi nouvelle, c’est de vous aimer les uns les autres[3] ». Attention ! Ce commandement du Christ s’appelle la charité ; par elle sont détruits les péchés. Ne point l’avoir en soi, c’est une grandefaute,

  1. Jn. 13, 23
  2. Jn. 3, 4-8
  3. Id. 13, 34