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dans le monde pour détruire les œuvres du démon ».


12. Pour ne point fatiguer votre charité, je recommande ce qui reste à son attention ; car la difficulté dont la solution nous occupe, roule sur ce que nous nous disons pécheurs. Si, en effet, quelqu’un se dit sans péché, il est un menteur. Nous trouvons dans cette même épître de Jean : « Si nous disons que nous « sommes sans péché, nous nous séduisons « nous-mêmes ». Vous devez vous souvenir de ce passage déjà cité : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité ne se « trouve pas en nous[1] ». Plus loin, tu lis encore ces passages : « Quiconque est né de Dieu, ne commet point de péché. Celui qui commet le péché, ne l’a point vu et ne le connaît pas. Celui qui fait l’iniquité, est enfant du diable ». Le péché ne vient pas de Dieu. L’Apôtre nous fournit à nouveau un sujet de crainte. D’une part, comment sommes-nous enfants de Dieu, et de l’autre, comment avouons-nous que nous sommes pécheurs ? Dirons-nous que nous ne sommes point nés de Dieu ? Alors, quel effet ces sacrements produisent-ils dans les peuls enfants ? Qu’a dit Jean ? « Celui qui est né de Dieu ne pèche pas ». Le même a dit encore : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité ne se trouve point en nous ». Question importante et difficile à traiter ! J’aurais voulu appeler toute l’attention de votre charité sur la solution à donner à cette difficulté. Demain, nous traiterons ce sujet au nom du Seigneur, et selon qu’il nous inspirera.

CINQUIÈME TRAITÉ.

DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES : « QUICONQUE EST NÉ DE DIEU NE COMMET POINT LE PÉCHÉ », JUSQU’À CES AUTRES : « N’AIMONS NI DE PAROLE NI DE LANGUE, MAIS PAR LES ŒUVRES ET EN VÉRITÉ ». (Chap. 3, 9-18.)

LA CHARITÉ, VERTU DES ENFANTS DE DIEU.

Nous sommes enfants de Dieu : l’enfant de Dieu ne pèche pas, et pourtant quiconque se dit sans péché est un menteur. Comment concilier ces deux vérités ? C’est que le péché dont il s’agit n’est autre que la violation du commandement de la charité, et qu’on ne le commet pas quand on est enfant de Dieu et que la pratique de la charité efface les autres fautes. Or, Jésus-Christ nous a enseigné cette vertu par ses paroles et ses exemples ; les saints en ont été des modèles ; le baptême en a déposé le germe en nous ; c’est comme un moyen de voir Dieu sur la terre, puisqu’on aime le prochain qui est son image. Quiconque aime son prochain a la vie en lui, et quiconque déteste son frère est déjà mort, car il est condamné à mort par Dieu en qualité d’homicide. Pratiquons donc, s’il le faut, jusqu’à la mort, cette vertu la plus précieuse de toutes et sans laquelle les autres ne sont rien.
1. Je vous en conjure, écoutez attentivement, car la question que nous avons à traiter n’est pas de mince importance ; si j’en juge d’après le soin que vous avez mis hier à m’écouter, j’ai tout lieu de le croire, vous êtes venus aujourd’hui avec un désir encore plus vif de saisir mes paroles. Il s’agit, en effet, de résoudre une grande difficulté, à savoir comment, l’Apôtre dit-il dans cette épître « Quiconque est né de Dieu ne pèche pas », tandis que, plus haut, et dans la même épître, il a dit : « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous[2] ». Que fera celui qui se trouve serré entre ces deux passages tirés de la même épître ? S’il avoué qu’il est pécheur, il craint de s’entendre dire : Tu n’es donc pas né de Dieu, puisqu’il est écrit : « Quiconque est né de Dieu ne pèche point ». Si, au contraire, il dit qu’il est juste et qu’il n’a pas de péché, il se sentblessé,

  1. Jn. 1, 8
  2. Jn. 1, 8