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puisque le bien doit le remplir. Par exemple, Dieu veut te remplir de miel ; si tu es plein de vinaigre, où le mettras-tu ? Il faut d’abord débarrasser le vase de ce qu’il contient, puis le purifier, et, pour cela, se remuer, se fatiguer s’il le faut ; ainsi deviendra-t-il propre au nouvel usage. Que nous prononcions des malédictions, que nous parlions d’or, que nous parlions de vin, quoi que nous disions de ce qu’on ne peut dire, quoi que nous voulions dire, nous en revenons toujours à prononcer le nom de Dieu ; et parce que nous prononçons le nom de Dieu, que disons-nous ? Ces deux syllabes désignent-elles tout ce que nous attendons ? Tout ce que nous avons pu nommer est au-dessous de Dieu ; étendons-nous vers lui, afin que quand il viendra, il nous rassasie. « Nous lui serons », en effet, « semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est ».


7. « Et qui a cette espérance en lui ». Vous le voyez ; d’après Jean nous ne sommes qu’à l’état d’espérance. Comme l’apôtre Paul est bien d’accord avec son collègue ! « Nous ne sommes sauvés qu’en espérance : or, l’espérance qui verrait, ne serait plus de l’espérance ; car comment espérer ce qu’on voit déjà ? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons par la patience[1] ». La patience elle-même excite les désirs. Sois inébranlable, car Dieu est immuable. Continue à marcher, tu atteindras le but ; le but vers lequel tu diriges tes pas ne changera pas de place. Voyez : « Et quiconque a cette espérance se purifie comme Dieu lui-même est pur ». Remarquez-le Jean ne nous ôte pas notre libre arbitre, puisqu’il dit : « Il se purifie ». Qui est-ce qui nous purifie, si ce n’est Dieu ? Mais Dieu ne te purifie pas malgré toi. Donc, par cela même que tu joins ta volonté à celle de Dieu, tu te purifies toi-même. Tu te purifies, par un effet, non de ton pouvoir, mais de la puissance de celui qui est venu pour habiter en toi. Néanmoins, comme il y a ici un effet de ta propre volonté, tu as une part dans l’œuvre de ta sanctification. Et cette part consiste pour toi à dire comme le Psalmiste : Secourez-moi, ne m’abandonnez pas[2] ». Dès lors que tu dis : « Secourez-moi », c’est que tu agis ; car si tu ne fais rien, comment peut-il venir à ton secours.


8. « Quiconque se rend coupable de péché, et commet l’iniquité ». Que personne ne dise : Autre chose est le péché, autre chose l’iniquité. Que personne ne dise : Je suis un pécheur, mais je ne suis pas un homme inique : « Car tout homme qui se rend coupable de péché et commet l’iniquité ». « Le péché est l’iniquité ». Que dire de nos péchés et de nos iniquités ? écoute les paroles de l’Apôtre : « Vous savez que Dieu s’est rendu visible pour se charger de nos péchés, et le a péché n’est point en lui ». Celui en qui-le péché ne se trouve pas est venu se charger de nos péchés. Si le péché se trouvait en lui, au lieu de se charger de celui des autres, il devrait être déchargé de ses propres fautes. « Quiconque demeure en lui ne pèche pas ». Autant on demeure en lui, autant on est éloigné du péché. « Et quiconque pèche, ne l’a point vu et ne le connaît pas ». Voici une grande difficulté : « Quiconque pèche, ne l’a point vu et ne le connaît pas ». En cela, rien d’étonnant. Nous ne l’avons pas vu, mais nous le verrons ; nous ne le connaissons pas, mais nous le connaîtrons ; nous croyons en celui que nous ne connaissons pas. Peut-être le connaissons-nous par la foi, tandis que nous ne le connaissons point de vue ? Mais nous l’avons vu et nous le connaissons de croyance ; car si la foi ne nous le fait pas voir, comment peut-on dire que nous sommes éclairés ? Il y a une illumination qui vient de la foi, et une autre qui vient de la vue réelle. Maintenant, pendant le cours de notre pèlerinage, c’est la foi qui dirige notre marche, et non la claire vue de Dieu[3]. Notre justice a donc pour principe la foi, mais non pas la réelle vue de l’éternel. Elle sera parfaite, lorsque nous contemplerons Dieu à découvert. Pour le moment, n’abandonnons pas cette justice, qui est le résultat de la foi ; « car le juste vit de la foi[4] », suivant cette parole de l’Apôtre : « Quiconque demeure en lui ne pèche pas ». En effet, « tout homme qui pèche ne l’a pas vu et ne le connaît point ». Celui-là ne croit pas, qui commet le péché ; mais s’il croit, il ne pèche pas, autant, du moins, que cela dépend de sa foi.


9. « Mes petits enfants, que personne ne vous séduise. Celui qui fait les œuvres de la justice est juste, comme Jésus-Christ est juste ». De ce qu’on nous a dit que « noussommes

  1. Rom. 8, 24, 25
  2. Ps. 26, 9
  3. 2 Cor. 5, 7
  4. Rom. 1, 17