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qui vous séduisent, afin que vous sachiez que vous avez reçu l’onction, et que nous conservions en nous cette onction que nous avons reçue ». C’est le sacrement de l’onction, dont la vertu cachée est l’onction invisible, l’Esprit-Saint : et l’onction invisible n’est autre que la charité ; n’importe en qui elle se trouve, elle y est comme une racine que ne peuvent dessécher même les plus ardents rayons du soleil ; tout ce qui est bien enraciné puise, non pas un élément de destruction, mais un principe de vie dans la chaleur du soleil.


13. « Et vous n’avez pas besoin que quelqu’un vous instruise, parce que son onction vous enseigne tout ». Que faisons-nous donc, mes frères, en vous instruisant ? Si l’onction de Dieu vous enseigne tout, ne semblons-nous pas travailler inutilement ? Pourquoi tant crier ? Abandonnons-nous donc à son onction, et qu’elle vous instruise elle-même. Mais maintenant je me fais une question, et je l’adresse aussi à l’Apôtre puisse-t-il écouter un enfant qui l’interroge. Je dis donc à Jean : Ceux à qui vous parliez avaient-ils l’onction ? Vous avez dit : « Parce que son onction vous enseigne tout ». Pourquoi avez-vous écrit cette épître ? Pourquoi instruisiez-vous ceux à qui vous l’adressiez ? Pourquoi les enseigner ? Pourquoi les édifier ? Remarquez ici, mes frères, une grande et mystérieuse chose. Le bruit de nos paroles frappe vos oreilles, mais le maître vous parle intérieurement. N’allez pas vous imaginer qu’un homme puisse en instruire un autre. Nous pouvons, par le son de notre voix, vous adresser des leçons ; mais si Dieu n’est pas dans votre cœur pour vous instruire, c’est inutilement que nous nous faisons entendre. En voulez-vous une preuve, mes frères ? N’avez-vous pas tous entendu mon discours ? Combien, néanmoins, sortiront d’ici sans avoir été instruits ? Autant qu’il a dépendu de moi, je me suis adressé à tous ; mais ceux à qui cette onction n’aura point parlé, ceux que l’Esprit-Saint n’aura point instruits, s’en retourneront sans m’avoir compris. Au dehors se trouvent des maîtres, des aides, des leçons ; mais au ciel est la chaire de celui qui instruit intérieurement ; aussi le Sauveur a-t-il dit lui-même dans l’Evangile : « Gardez-vous d’appeler maître sur la terre aucun d’entre vous, car votre Maître, c’est le Christ[1] ». Qu’il vous parle lui-même au cœur, puisqu’aucun homme ne se trouve là ; quand même, en effet, tu aurais quelqu’un à côté de toi, le Christ est seul dans ton cœur. Que ton cœur ne soit pas absolument seul ; que le Christ s’y trouve, comme aussi son onction ; ainsi, quand ton cœur sera sec, il ne sera pas dans un désert où les eaux capables de le rafraîchir lui feraient défaut. Il y a donc, à l’intérieur, un maître qui instruit : c’est le Christ, c’est son inspiration. Là, où son inspiration et son onction font défaut, les paroles se font inutilement entendre à l’extérieur. Ainsi en est-il, mes frères, de celles que nous faisons parvenir à vos oreilles : à votre égard nous remplissons le rôle du jardinier vis-à-vis de l’arbre : il travaille en dehors de cet arbre ; il emploie l’eau et donne une culture soignée ; mais il a beau faire extérieurement, forme-t-il les fruits ? A-t-il le pouvoir de couvrir la nudité des branches d’un vêtement de feuilles ? Est-il capable de faire quoi que ce soit à l’intérieur de cet arbre ? Qu’est-ce qui fait tout cela ? Ecoutez un jardinier, l’apôtre Paul voyez ce que nous sommes, apprenez que nous avons un maître au dedans de nous « J’ai planté, Apollo a arrosé, mais c’est Dieu qui a donné l’accroissement. Celui qui plante n’est rien, non plus que celui qui arrose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement[2] ». Nous vous parlons donc, et soit que nous plantions en parlant, soit que nous arrosions, nous ne sommes rien ; Dieu, qui donne l’accroissement, c’est-à-dire, son onction, qui nous enseigne toutes choses, est tout.

  1. Mt. 23, 8-9
  2. 1 Cor. 3, 6-7