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tous les méchants : quoi qu’il dise, ses paroles leur déplaisent.


7. Ecoutez-moi, je vous en donnerai la preuve. Évidemment, tous ceux qui sortent de l’Eglise, qui sont retranchés de l’unité de l’Eglise, sont des antéchrists ; personne ne peut en douter : Jean en a fait la déclaration formelle : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas de nous ; car, s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». Tous ceux qui ne demeurent pas avec nous, mais qui sortent du milieu de nous, sont donc des antéchrists. Et où se trouve la preuve qu’ils sont des antéchrists ? Dans leur mensonge. « Qui est menteur, si« non celui qui nie que Jésus soit le Christ ? » Interrogeons les hérétiques : lequel d’entre eux nie que Jésus soit le Christ ? Que votre charité remarque un grand mystère. Faites attention à ce que le Seigneur Dieu nous aura inspiré, à ce que je voudrais vous faire comprendre. Il en est qui sont sortis de nous, pour devenir les Donatistes. Nous leur demandons si Jésus est le Christ, et aussitôt ils avouent que Jésus est le Christ. Si, pour être antéchrist, il faut nier que Jésus soit le Christ, les Donatistes ne peuvent nous regarder comme des antéchrists, et il nous est tout aussi impossible de formuler contre eux pareille accusation, parce que nous sommes les uns et les autres unanimes à déclarer que Jésus est le Christ. S’ils ne nous désignent pas sous le nom d’antéchrists, et si nous ne leur donnons pas davantage cette épithète, ils ne se sont donc pas plus éloignés de nous, que nous ne nous sommes éloignés d’eux. Et puisque nous ne sommes point séparés les uns des autres, nous sommes en communauté de croyances ; dès lors, à quoi bon deux autels dans cette ville ? Pourquoi les familles et les ménages sont-ils divisés ? Pourquoi un lit commun et deux Christs ? L’Apôtre nous avertit ; il veut que nous confessions la vérité. Ou bien les Donatistes sont sortis de nos rangs, ou bien nous sommes sortis des leurs. Mais non, nous ne venons pas d’eux, car nous possédons le titre de l’hérédité du Sauveur : nous le lisons, et nous nous y trouvons désignés : « Je te donnerai les nations pour héritage, et la terre pour empire[1] ». On voit chez nous l’héritage du Christ ; on ne le voit pas chez les Donatistes : ils ne sont pasen communion avec l’univers, avec tous ceux que le Sauveur a rachetés au prix de son sang. Nous avons pour nous Notre-Seigneur lui-même, car après sa résurrection, ses disciples étant plongés dans le doute, il se montra à eux et leur donna la facilité de le toucher ; et comme leur doute ne se dissipait point, il leur dit : « Il fallait que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât le troisième jour, et qu’on prêchât en son nom la pénitente et la rémission des péchés ». En quel endroit ? par où ? à qui ? « A toutes les nations, en commençant par Jérusalem[2] ». Nous sommes tranquilles : l’unité de l’héritage nous appartient. Quiconque n’est pas en communion avec cet héritage, en est sorti.


8. Mais ne nous affligeons pas : « Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas de nous, car s’ils avaient été de nous, ils seraient demeurés avec nous ». S’ils nous ont quittés, ils sont donc des antéchrists ; s’ils sont des antéchrists, ils sont des menteurs ; s’ils sont des menteurs, ils nient que Jésus soit le Christ. Nous revenons de nouveau à la difficulté proposée. Interroge-les tous, les uns après les autres : en Jésus, ils reconnaissent le Christ. Les termes dont Jean se sert, ne nous laissent pas le champ libre ; ils sont trop précis pour cela. Vous apercevez certainement la difficulté : pour nous comme pour eux, elle est un. sujet de trouble, si nous n’en avons pas une idée claire. Ou c’est nous qui sommes des antéchrists, ou ce sont les Donatistes : ils nous appliquent cette dénomination, et disent que nous nous sommes séparés d’eux : de notre côté, nous agissons de même à leur égard ; mais l’épître indique le caractère distinctif des antéchrists. Celui-là en est un, qui nie que Jésus soit le Christ. Cherchons donc à savoir qui lui refuse ce titre : ne nous arrêtons pas aux mots : allons droit aux faits. Car, interrogeons-les tous, et tous d’une seule voix, ils nous répondront que Jésus est le Christ. Laissons, pour un moment, leurs langues en paix, examinons leurs couvres. Si nous parvenons à nous assurer de ce que dit l’Écriture, à savoir qu’on peut nier une chose, non-seulement par parole, mais encore par action, nous constaterons, de manière à n’en pas douter, que beaucoup d’antéchrists confessent de bouche le Christ, tandis que, par leur conduite, ils le renient. En quel endroitde l’Écriture

  1. Ps. 2, 8
  2. Lc. 24, 46, 47