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que vous avez abandonné. Vous êtes bien plus éloignés les uns des autres, que vous ne l’êtes de la voie que vous avez quittée. Vous qui êtes de ce côté, vous qui êtes de cet autre, venez à nous, ne cherchez pas à aller d’un côté à l’autre, mais de chaque côté venez à nous, et vous vous rejoindrez tous. Sabelliens, reconnaissez Celui que vous supprimez ; Ariens, égalez au Père Celui que vous mettez au-dessous de lui, et vous marcherez avec nous dans le vrai chemin. Il y a, en effet, dans les dires de chacun de vous, de quoi vous redresser les uns les autres. Écoute, Sabellien : il est si vrai que le Fils n’est pas le Père, mais bien une autre personne, que les Ariens le proclament inférieur au Père. Écoute, Arien : il est si vrai que le Fils est égal au Père, que les Sabelliens disent qu’il est le même que le Père. Toi, ajoute Celui que tu supprimes ; toi, laisse dans son intégralité Celui que tu diminues, et tous les deux vous serez d’accord avec nous, parce que toi tu – ne supprimes pas ; et toi tu ne diminues pas Celui qui est une autre personne que le Père, contrairement à l’opinion du Sabellien, et qui est égal au Père, contrairement à l’erreur de l’Arien. Aux uns et aux autres il crie, en effet « Le Père et moi nous sommes un [1] ». Quand il dit : « un », que les Ariens l’entendent ; « quand il dit : « Nous sommes », que les Sabelliens l’écoutent, et qu’ils ne tombent pas dans leur vaine erreur, les uns en niant qu’il soit égal au Père, et les autres en niant qu’il soit une personne distincte. Si ces mots de Notre-Seigneur : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même », font penser que le Fils n’est pas égal au Père, comme s’il ne faisait pas ce qu’il veut, écoutez ce qu’il dit ailleurs : « Comme le Père ressuscite « les morts et les vivifie, de même aussi le « Fils vivifie ceux qu’il veut ». Si, encore, parce qu’il a dit : « Le Père, qui demeure en « moi, fait les œuvres que je fais », on s’imagine que autre n’est pas le Père et autre le Fils, on fera bien d’écouter ce qu’il a dit ailleurs : « Toutes les choses que le Père fait, le Fils aussi les fait également [2] ». Par là on verra que le même ne fait pas deux fois une chose, mais qu’il y a deux personnes pour faire une seule et même chose. Mais comme l’un est égal à l’autre, de telle sorte pourtant que l’un vient de l’autre, il ne parle pas de lui-même, parce qu’il n’est pas de lui-même, et le Père, qui demeure en lui, fait les œuvres lui-même, parce que celui par qui et avec qui il les fait, n’est pas d’un autre que de lui. Enfin, Jésus-Christ ajoute : « Ne croyez-vous « pas que je suis dans le Père et que le Père « est en moi ? Au moins, croyez-le à cause « des œuvres que je fais ». Tout à l’heure, Philippe seul recevait une réprimande ; mais il paraît, par ces mots, qu’il ne ; devait pas être seul à se voir réprimandé. « A cause des œuvres que je fais », dit Jésus, « croyez que « je suis dans le Père, et que le Père est en moi ». Car, si nous étions séparés l’un de l’autre, nous ne pourrions en aucune façon agir d’une manière inséparable.
3. Mais que veut dire ce qui suit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais, et il en fera aussi de plus grandes, parce que je vais à mon Père. Et toutes les choses que vous demanderez à mon Père en mon nom, je les ferai. Afin que le Père soit glorifié dans le Fils, si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai ? » Il a donc promis de faire aussi lui-même ces choses plus grandes. Que le serviteur ne s’élève pas au-dessus du Seigneur, et le disciple au-dessus du maître [3]. Il dit qu’ils feront des choses plus grandes que celles qu’il fait lui-même. Mais ce sera lui qui les fera en eux ou par eux, et non pas eux qui les feront comme d’eux-mêmes. C’est à lui que s’adresse le Prophète dans ce passage du psaume : « Je vous aimerai, Seigneur, qui êtes ma force [4] ». Mais enfin, quelles sont donc ces « œuvres plus grandes ? Fait-il allusion aux guérisons de malades qu’opérera plus tard leur ombre quand ils passeront quelque part [5] ? C’est, en effet, un plus grand miracle de les guérir par son ombre que par l’attouchement de sa robe [6]. Notre-Seigneur a fait ce dernier miracle par lui-même, et le premier par ses disciples ; et cependant c’est lui qui les a faits tous les deux. Mais, en réalité, quand il parlait ainsi, il voulait parler des œuvres de ses paroles ; il dit, en effet : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais le Père qui demeure en moi, fait les œuvres que je fais ». De quelles œuvres voulait-il parler, si ce n’est des paroles

  1. Jn. 10, 30
  2. Id. 5, 21, 19
  3. Jn. 13, 16
  4. Ps. 17, 2
  5. Act. 5, 15
  6. Mt. 14, 36