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monde ? Si je me vante d’être juste, qui est-ce qui endurera, qui est-ce qui supportera un tel langage ? Il suffit donc que ma justice soit connue de Dieu ; devant les hommes, je me proclamerai pécheur, non que je le sois en réalité, mais afin de ne point me rendre odieux par mon orgueil. Dis aux hommes ce que tu es ; dis-le aussi à Dieu. En voici le motif : c’est que si tu ne dis pas à Dieu ce que tu es, il condamnera en toi ce qu’il y trouvera de défectueux. Veux-tu ne pas être condamné par lui ? Prononce toi-même ta condamnation. Veux-tu qu’il ferme les yeux sur tes péchés, ouvre les tiens sur tes fautes, afin de pouvoir dire à Dieu : « Détournez votre visage de mes iniquités ». Adresse-lui encore ces autres paroles du Psalmiste : « Parce que je reconnais ma faute[1]. » Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les remettre et pour nous purifier de toute iniquité. Mais si nous disons que nous n’avons point péché, nous le faisons menteur, et sa parole n’est point en nous ». Si tu dis : Je n’ai point commis d’iniquité, tu prétends te faire passer pour véridique, et, par là même tu le fais menteur. En vertu de quoi Dieu serait-il menteur, et l’homme véridique ? L’Écriture ne dit-elle pas formellement le contraire ? « Tout homme est menteur, Dieu seul est véridique[2] ». Par lui-même, Dieu est véridique ; si tu l’es, c’est par Dieu, car de toi-même tu es menteur.

7. De ce que l’Apôtre a dit : « Il est fidèle et juste pour nous purifier de toute iniquité », nul n’a le droit de conclure qu’il laisse le péché impuni ; les hommes ne sont pas davantage autorisés à dire : Commettons à loisir le péché ; faisons en toute tranquillité ce que nous voulons ; le Christ nous purifie de toute iniquité ; il est fidèle et juste pour nous ôter la souillure de nos fautes ; en effet, il t’enlève cette pernicieuse sécurité et t’inspire une crainte salutaire. Tu veux jouir d’une tranquillité fausse, sois plutôt en proie à l’inquiétude ; car, s’il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés, c’est à la condition que tu te déplairas à toi-même et que tu te convertiras au point de devenir parfait. C’est pourquoi tu lis ensuite : « Mes petits enfants, je vous écris ces choses afin que vous ne vous rendiez point coupables de péché ». Mais peut-être, par suite de la faiblesse humaine, te laisses-tu aller à quelque faute ? Qu’en adviendra-t-il ? Eh quoi ! y aurait-il lieu de tomber dans le désespoir ? Écoute : « Cependant », dit l’Apôtre, « s’il arrive que quelqu’un pèche, nous avons pour avocat, auprès de Dieu, Jésus-Christ le juste ; et lui-même est la victime de propitiation pour nos péchés ». Il est donc notre avocat ; il met tous ses soins à ne pas te laisser périr. Si, en conséquence de ton infirmité naturelle, une fauté vient à t’échapper, reconnais-le aussi vite, repens-toi, sans tarder, de ta faiblesse, et, en même temps, prononce ta condamnation ; en te condamnant toi-même, tu n’auras plus aucune crainte de paraître devant le souverain Juge. À son tribunal se trouve pour toi un avocat : donc, ne tremble pas ; puisque tu as fait l’aveu de tes péchés, ta cause est bonne. Dans le cours de notre vie, il nous arrive parfois de confier notre défense à une langue exercée, et, par là, on se sauve ; tu te confies au Verbe, et tu périrais ! Crie : « Nous avons un avocat auprès de Dieu ».

8. Voyez comme l’apôtre Jean a conservé l’humilité ; évidemment, c’était un homme juste, un grand homme ; il puisait au cœur de Jésus des secrets mystérieux. Cet homme, oui, cet homme qui, après en avoir puisé la connaissance au cœur du Christ, nous a révélé la divinité en ces termes : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu[3] », cet homme n’a pas dit : Vous avez un avocat auprès du Père ; mais : « S’il arrive que quelqu’un pèche, nous avons un avocat ». Il ne dit point : Vous avez un avocat ; ni : Vous m’avez pour avocat ; ni : Vous avez un avocat dans le Christ lui-même ; il parle du Sauveur, mais non de sa propre personne : « Nous avons », dit-il, au lieu de dire : Vous avez. Il a mieux aimé se ranger dans le nombre des pécheurs, afin d’avoir Jésus-Christ pour avocat, que d’usurper la place du Rédempteur et de prendre place parmi les orgueilleux destinés à périr. Mes frères,

  1. Ps. 50, 11, 5
  2. Rom. 3, 4
  3. Jn. 1, 1