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qu’il y a des ténèbres en Dieu ? Qu’est-ce que la lumière ? Qu’est-ce que les ténèbres ? Que personne ne tienne à cet égard un langage conforme à la nature des yeux de notre corps. « Dieu est lumière ». Quelqu’un me dira peut-être : Le soleil est aussi lumière, et la lune pareillement, et un flambeau également. Mais la lumière divine doit être bien autrement vive, bien autrement éclatante et infiniment supérieure à toutes les autres. Autant Dieu diffère des choses de ce monde, le Créateur des créatures, la sagesse de ce qu’elle a fait ; autant et bien plus encore cette lumière diffère de toute autre. Peut-être en serons-nous voisins, si nous parvenons à savoir ce qu’elle est et si nous nous en approchons afin d’être éclairés : car, en nous-mêmes, nous sommes ténèbres ; mais si elle nous éclaire de ses rayons, nous pouvons devenir lumière et n’être point confondus par elle ; nous sommes en effet, pour nous, un sujet de confusion. Qui est-ce qui est confus de lui-même ? Celui qui se reconnaît pécheur. Qui est-ce qui n’est pas confondu par la lumière divine ? Celui qui en est éclairé. Qu’est-ce qu’être éclairé par elle ? Celui qui s’aperçoit que le péché l’a précipité dans les ténèbres, qui désire être éclairé des rayons de la lumière, celui-là s’approche d’elle : voilà pourquoi le Psalmiste a dit : « Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés, et la honte ne sera plus sur votre visage[1] ». Elle ne te fera point rougir, si, au moment où elle te fera voir tes souillures, tu en conçois du déplaisir et si tu cherches à te revêtir de son éclatante beauté. Voilà ce que le Sauveur veut t’enseigner.

5. Notre manière de voir ne serait-elle pas hasardée ? Non ; l’Apôtre va lui-même nous en donner la preuve dans les versets suivants. Souvenez-vous qu’au commencement de notre discours nous avons dit que cette épître recommande particulièrement la charité. « Dieu est lumière ; il n’y a point en lui de ténèbres » : ainsi s’exprime le disciple bien-aimé. Mais qu’avait-il dit auparavant ? « Afin que vous entriez en société avec nous, et que notre société soit avec le Père et avec Jésus-Christ, son Fils ». Or, si Dieu est lumière, s’il n’y a point en lui de ténèbres, et que nous devions entrer en société avec lui, nous devons éloigner de nous toutes ténèbres, afin que la lumière se fasse dans notre âme, car les ténèbres ne peuvent entrer en société avec la lumière ; aussi dois-tu remarquer ce qui suit : « Si nous disons que nous sommes en société avec lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons ». L’apôtre Paul a dit, de son côté : « Quelle union peut-il y avoir entre la lumière et les ténèbres[2] ? » Tu dis que tu es en union avec Dieu, et tu marches dans les ténèbres, et « Dieu est lumière, et il n’y a point en lui de ténèbres ». Comment donc y a-t-il union entre la lumière et les ténèbres ? C’est donc pour l’homme un devoir de se dire : Que faire ? Comment devenir lumière ? Je vis dans le péché et l’iniquité ! De là résulte pour lui une sorte de désespoir et de tristesse : pour lui, il n’y a d’issue favorable possible que dans son union avec Dieu. « Dieu est lumière, et en lui il n’y a point de ténèbres ». Le péché est ténèbres, car l’Apôtre donne au diable et à ses anges le nom de maîtres de ces ténèbres[3]. Certes, il ne les appellerait pas les maîtres des ténèbres, s’ils n’étaient les maîtres des pécheurs, s’ils ne dirigeaient point certains hommes dans les voies de l’iniquité. Que faisons-nous donc, mes frères ? Il nous faut vivre en union avec Dieu : c’est notre seule ressource pour arriver à la vie éternelle ; mais « Dieu est lumière et, en lui, il n’y a point de ténèbres » : l’iniquité est ténèbres, le péché nous accable et nous empêche d’entrer en société avec Dieu : quelle espérance avons-nous donc encore ? Ne vous avais-je point promis de vous adresser, en ces jours de joie, des paroles pleines de consolation ? Si je ne me hâte de le faire, ne trouverons-nous pas un sujet de tristesse dans ce passage de l’Écriture : « Dieu est lumière, et, en lui, il n’y a point de ténèbres ? » Le péché est ténèbres ; que deviendrons-nous donc ? Écoutons l’Apôtre ; peut-être nous consolera-t-il pour nous relever de notre abattement, nous donner de l’espoir et nous empêcher de tomber en défaillance le long du chemin. Car nous courons, nous marchons en hâte vers notre patrie, et si nous désespérons d’y parvenir, le désespoir nous ôtera toutes nos forces. Mais celui qui veut nous y faire arriver, afin de nous y conserver, nous soutient pendant la durée de notre course en ce monde. Écoutons donc : « Si nous disons que nous

  1. Ps. 33, 6
  2. 2 Cor. 6, 14
  3. Eph. 6, 12