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sont plus deux, mais une seule chair[1] ». Isaïe lui-même nous rappelle d’une manière bien juste que ces deux ne font qu’un ; car, en parlant de la personne du Christ, il s’exprime en ces termes : « Il a paré ma tête d’une couronne, comme celle d’un époux, et il m’a orné de pierreries comme une épouse[2] ». On croirait n’entendre parler qu’un seul et même personnage, puisqu’il parle de lui-même comme étant, tout à la fois, époux et épouse, parce qu’« ils ne sont pas deux, mais une seule chair », parce que « le Verbe s’est fait chair » et qu’« il a habité parmi nous ». À cette chair s’unit l’Église, et alors se parfait le Christ ; alors il devient tête et corps.

3. « Et nous en sommes témoins », dit l’Apôtre, « et nous vous annonçons cette vie éternelle qui était dans le Père, et qui est apparue en nous » ; c’est-à-dire, qui est apparue parmi nous, ou, pour parler plus clairement, qui nous est apparue. « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons ». Que votre charité y fasse attention. « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons ». Les Apôtres ont vu le Seigneur en personne, présent dans la chair, ils ont entendu les paroles qui sont tombées de ses lèvres, et ils nous l’ont annoncé. Nous l’avons donc entendu, mais nous ne l’avons pas vu ; en sommes-nous moins heureux que ceux qui ont vu et entendu ? Pourquoi, alors, Jean ajoute-t-il : « Afin que vous entriez en société avec nous ? » Les Apôtres ont vu, et nous nous n’avons rien vu, et cependant nous sommes en société avec eux, parce qu’avec eux nous avons une seule et même foi. Un d’entre eux a eu beau voir, il n’a pas cru ; pour croire, il a voulu toucher de ses mains, et il a dit : « Je ne croirai pas avant d’avoir mis mes doigts dans la plaie des clous, et ma main dans son côté ». Celui qui se présente sans interruption aux regards des Esprits célestes, s’est, pour un temps, laissé toucher par des mains d’hommes ; le disciple précité le toucha donc et s’écria : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Pour nous consoler de ce qu’il nous est impossible de le toucher nous-mêmes autrement que par la foi, puisqu’il est déjà assis à la droite de son Père, le Sauveur lui répondit : « Thomas, parce que tu as vu, tu as cru ; bienheureux, ceux qui ne, voient pas et qui croient[3] ». C’est de nous qu’il a voulu parler ; c’est nous qu’il a désignés. Puisse donc s’établir en nos âmes cette béatitude que le Christ nous a annoncée comme notre partage futur ; croyons fermement ce que nous ne voyons pas, parce que ceux qui nous l’annoncent l’ont vu de leurs propres yeux. « Afin que vous entriez en société avec nous ». Quel avantage peut-il y avoir pour nous d’entrer en société avec des hommes ? N’aie pas de cela une pauvre idée ; écoute ce qu’ajoute l’Apôtre : « Et que notre société soit avec le Père et avec Jésus-Christ son Fils. Et nous vous écrivons ceci, afin que votre joie soit complète ». Cette joie complète est, suivant lui, le fruit de l’union, de la charité, de l’unité.

4. « Or, ce que nous vous disons, nous l’avons appris de la bouche de Jésus-Christ avant de vous l’annoncer ». Que signifient ces paroles ? Les Apôtres ont vu et touché de leurs mains le Verbe de vie. Car le Fils unique de Dieu, qui était dès le commencement, s’est rendu visible et palpable dans le temps. À quoi s’est-il réduit ? Que nous a-t-il annoncé de nouveau ? Qu’a-t-il voulu nous enseigner ? Pourquoi le Verbe a-t-il fait ce qu’il a fait ? Pourquoi s’est-il incarné ? Pourquoi, étant Dieu, supérieur à tous les êtres, a-t-il souffert, de la part des hommes, des traitements indignes de lui ? Pourquoi a-t-il enduré que des mains créées par lui, lui donnassent des soufflets ? Qu’a-t-il voulu nous enseigner, nous montrer et nous annoncer par là ? Écoutons : car entendre le récit des événements qui ont eu lieu de la naissance et de la mort du Christ, sans tirer profit des enseignements qui en découlent, c’est occuper son esprit de pensées oiseuses, et ne pas le fixer par des réflexions dignes de lui. De quelle importante chose est-il question ? Quel profit s’agit-il de faire ? Fais-y attention. Qu’a-t-il voulu enseigner ? Qu’a-t-il prétendu annoncer ? Écoute bien, le voici : « Que Dieu est la lumière même, et qu’il n’y a point en lui de ténèbres ». Jean nous a parlé de lumière, et pourtant son langage n’est pas clair : il serait bon pour nous que la lumière dont il nous a parlé, projetât ses rayons sur nos cœurs pour nous faire voir ce qu’il a voulu nous dire. Voici, ce que nous vous annonçons, c’est « que Dieu est la lumière même, et qu’il n’y a point en lui de ténèbres ». Où est l’audacieux capable de dire

  1. Mt. 19, 6
  2. Isa. 61, 10
  3. Jn. 20, 25-29