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changer ce que Pilate a écrit, et vous pourriez changer ce qu’a dit la Vérité même ? Mais Jésus est-il le roi des Juifs seuls ? n’est-il pas aussi le roi des Gentils ? Oui, il est surtout le roi des Gentils. Eu effet, il a dit par son Prophète : « Pour moi, il m’a établi roi sur sa sainte montagne de Sion, pour y prêcher le commandement du Seigneur » ; et afin que ces mots : « la montagne de Sion », ne fissent pas supposer qu’il avait été établi roi seulement sur les Juifs, il a ajouté aussitôt : « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui. Demande-moi, et je te donnerai les nations pour ton héritage et pour ta possession jusqu’aux extrémités de la terre [1] ». C’est ce qu’il nous apprend de sa propre bouche, car en s’adressant aux Juifs, il leur dit : « J’ai d’autres brebis qui ne « sont pas de ce bercail, il me faut les amener, et elles écouteront ma voix, et il y aura « un seul troupeau et un seul pasteur [2] ». Pourquoi donc voulons-nous voir un si grand mystère dans cette inscription qui portait : « Roi des Juifs », si Jésus-Christ est aussi le roi des Gentils ? L’olivier sauvage a été fait participant de la sève onctueuse de l’olivier franc, et l’olivier franc ne participe nullement de l’âcreté de l’olivier sauvage [3]. Dans ce titre qui a été écrit relativement au Sauveur, il est appelé en toute vérité « roi des Juifs ». Qui faut-il entendre par le mot Juif, sinon la race d’Abraham, les fils de la promesse qui sont aussi les fils de Dieu ? « Car », dit l’Apôtre, « ce ne sont pas les fils de la chair qui sont les fils de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse, qui sont regardés comme étant de la race[4] ». C’était aux Gentils que l’Apôtre disait : « Mais si vous êtes à Jésus-Christ, vous êtes donc de la race d’Abraham et ses héritiers selon la promesse[5] ». Jésus-Christ est donc le roi des Juifs, mais des Juifs circoncis de cœur par l’esprit et non par la lettre, qui tirent leur gloire de Dieu[6] et non des hommes, qui appartiennent à la libre Jérusalem, notre mère éternelle et céleste, à cette Sara spirituelle qui chasse de la maison de la liberté la servante et ses fils[7]. Si donc Pilate a écrit ce qu’il a écrit, c’est que le Seigneur a dit ce qu’il a dit.

CENT DIX-HUITIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES : « APRÈS AVOIR CRUCIFIÉ JÉSUS, LES SOLDATS PRIRENT SES VÊTEMENTS ». (Chap. 19, 23-24.)

LES VÊTEMENTS DU SAUVEUR.

Malgré la discordance apparente des Évangélistes, tous s’accordent à dire que les soldats firent quatre parts des vêtements de Jésus, et qu’ils jetèrent les sorts pour savoir à laquelle échoirait la robe sans couture. Les quatre parts symbolisent les quatre parties du monde, comme la robe sans couture représente leur mutuelle union : les sorts figurent la grâce, et les soldats eux-mêmes ont, en dépit de leur malice, un sens caché, de même que la croix, malgré son ignominie, a le sien propre.


1. Expliquons maintenant, avec l’aide de Dieu, ce qui s’est passé auprès de la croix du Sauveur pendant qu’il y était attaché.« Après avoir crucifié Jésus, les soldats prirent ses vêtements et ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat ; ils prirent aussi sa tunique. Or, sa tunique était sans couture, et d’un seul tissu depuis le haut jusqu’en bas. Ils se dirent donc les uns aux autres : Ne la coupons point, mais tirons au sort à qui elle appartiendra ; afin que cette prophétie de l’Écriture fût accomplie : Ils ont partagé entre eux mes vêtements et tiré ma robe au sort ». Ce que les Juifs ont voulu est arrivé ;

  1. Ps. 2, 6-8
  2. Jn. 10, 16
  3. Rom. 11, 17
  4. Id. 9, 7-8
  5. Gal. 3, 29
  6. Rom. 2, 29
  7. Gal. 4, 22-31