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croire qu’il a dit de lui-même que Jésus était le roi des Juifs, et il montre bien que les Juifs le lui ont dit. Ensuite, en disant : « Qu’as-tu fait ? » il montre assez que c’était là le crime qu’on lui imputait ; c’était dire, en d’autres termes : Si tu ne dis pas que tu es roi, qu’as-tu donc fait pour qu’on t’ait livré à moi ? Comme s’il était tout naturel de livrer au juge, pour être puni, Celui qui se disait roi ; mais s’il ne se disait pas roi, il fallait lui demander quelle autre chose il avait faite pour mériter d’être livré au juge.
2. Écoutez donc, Juifs et Gentils ; écoutez, hommes circoncis ; écoutez, hommes incirconcis ; écoutez tous, royaumes de la terre. Je n’empêche pas votre domination sur ce monde : « Mon royaume n’est pas dans ce monde ». Ne craignez pas de cette crainte insensée dont fut saisi Hérode l’ancien, lorsqu’on lui annonça la naissance de Jésus-Christ et que, sous l’impression de la crainte bien plus que de la colère, il fit massacrer tant d’enfants [1] afin de ne pas manquer de le faire mourir lui-même. Mais, dit Jésus, « Mon royaume n’est pas de ce monde ». Que voulez-vous de plus ? Venez à un royaume qui n’est pas de ce monde. Venez-y parla foi et ne devenez pas cruels par la crainte. Il est vrai que, dans une prophétie, Notre-Seigneur dit en parlant de Dieu le Père : « Pour moi, j’ai été par lui établi roi sur Sion, sa montagne sainte[2] ». Mais cette Sion et cette montagne ne sont pas de ce monde. Qu’est-ce, en effet, que son royaume ? Ce sont ceux qui croient en lui et auxquels il dit : « Vous n’êtes pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde ». Et cependant, il veut qu’ils soient dans le monde. C’est pourquoi, en parlant d’eux il dit à son Père : « Je ne prie pas pour que vous les enleviez du monde, mais pour que vous les préserviez du mal[3] ». C’est aussi pourquoi il ne dit pas ici : « Mon royaume n’est pas dans ce monde, mais n’est pas de ce monde ». Et quand il le prouve en ajoutant : « Si mon royaume était de ce monde, mes ministres assurément combattraient pour que je ne fusse pas livré aux Juifs », il ne dit pas : « Mais maintenant mon royaume » n’est pas ici, mais bien n’est pas d’ici ». Ici, en effet, se trouve son royaume jusqu’à la fin du monde, et il renferme dans son sein de l’ivraie mêlée au bon grain jusqu’à ce que vienne la moisson. La moisson ; c’est la fin du monde ; car alors les moissonneurs, c’est-à-dire les anges, viendront et enlèveront de son royaume tous les scandales [4] ; assurément, cela ne pourrait se faire si son royaume n’était ici. Cependant il n’est pas d’ici ; car il est comme un voyageur en ce monde. C’est à son royaume qu’il dit« Vous n’êtes pas du monde, mais moi je vous ai tirés du monde [5] ». Ils étaient donc du monde, quand ils n’étaient pas encore son royaume et qu’ils appartenaient au prince du monde. Ils sont du monde tous les hommes créés à la vérité par le vrai Dieu, mais engendrés de la souche corrompue et damnée d’Adam ; ils sont devenus ce royaume qui n’est plus de ce monde tous ceux qui, venus de là, ont été régénérés en Jésus-Christ. C’est ainsi que Dieu nous a arrachés à la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour [6]. C’est de ce royaume qu’il dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde » ; ou bien : « Mon royaume n’est pas d’ici ».
3. « C’est pourquoi Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, oui, je suis roi ». Il ne craignit pas d’avouer qu’il était roi. Mais par ces mots : « Tu le dis », il conserve toute sa liberté. Il ne nie pas qu’il soit roi (car il est roi d’un royaume qui n’est pas de ce monde) et il n’avoue pas qu’il soit roi d’un royaume qui passe pour être de ce monde. C’est ce que pensait celui qui disait : « Donc tu es roi », et à qui il fut répondu : « Tu le dis, oui, je suis roi ». Notre-Seigneur emploie ces mots. « Tu le dis », comme pour dire : Tu es un homme charnel et tu parles d’après les sentiments de la chair.
4. Notre-Seigneur ajoute ensuite : « Je suis né et je suis venu au monde pour rendre témoignage à la vérité ». Le pronom dont se sert le texte latin : in hoc natus sum, ne doit pas s’entendre en ce sens : Je suis né dans – cette chose ; mais bien : Je suis né pour cela, tout comme il est dit : « C’est pour cela que je suis venu dans le monde ». Dans le texte grec il n’y a aucune ambiguïté. Par là il a manifestement voulu, en cet endroit, rappeler cette naissance temporelle par laquelle, après s’être incarné, il est venu dans le monde, et non pas cette naissance sans commencement par laquelle il était le Dieu par qui le

  1. Mt. 2, 3, 16
  2. Ps. 2, 6
  3. Jn. 17, 16
  4. Mt. 13, 38, 41
  5. Jn. 15, 19
  6. Col. 1, 13