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5. « Or, Simon Pierre ayant un glaive, le tira et frappa un serviteur du prince des prêtres, et lui coupa l’oreille droite. Or, le nom de ce serviteur était Malchus ». Seul notre Évangéliste a fait connaître le nom de ce serviteur : comme aussi Luc a été seul pour dire que Notre-Seigneur toucha son oreille et la guérit [1]. Or, Malchus signifie qui doit régner. Que signifie donc cette oreille coupée pour le Seigneur et guérie par lui, sinon le renouvellement de l’intelligence qui se dépouille de ses anciens errements, afin de se trouver dans la nouveauté de l’esprit, et non plus dans l’ancienneté de la lettre[2] ? Celui qui a reçu de Jésus-Christ un tel bienfait ne doit-il pas évidemment régner avec Jésus-Christ ? Malchus a été un esclave, et par conséquent il symbolise cet Ancien Testament qui engendre pour la servitude, et dont la figure est Agar[3]. Mais quand est advenue la santé, alors a été figurée la liberté. Notre-Seigneur blâma l’action de Pierre et lui défendit de passer outre : « Remets ton glaive dans le fourreau ; le calice que le Père m’a donné, ne le boirai-je pas ? » Par son action, ce disciple ne voulait que défendre son Maître, il ne songeait nullement à ce que signifiait sa conduite. C’est pourquoi il a fallu que le Sauveur l’exhortât à la patience, et que cela fût écrit pour être compris de nous. Notre-Seigneur dit que c’est le Père qui lui a donné le calice de sa passion ; assurément, c’est aussi ce que veut dire l’Apôtre par ces mots : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous [4] ». Cependant, Celui qui a bu ce calice, l’a aussi préparé. Aussi le même Apôtre nous dit-il : « Jésus-Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, en s’offrant à Dieu comme une victime d’agréable odeur [5] ».
6. « La cohorte, et le tribun, et les satellites des Juifs, saisirent Jésus et le lièrent ». Ils se saisirent de Celui dont ils n’approchèrent même pas. Car il est le jour, et ils restèrent ténèbres, et ils n’entendirent pas cette parole : « Approchez-vous de lui et soyez éclairés[6] ». S’ils s’en étaient approchée de la sorte, ils l’auraient saisi non avec leurs mains pour le mettre à mort, mais avec leur cœur pour le recevoir. Hélas ! en le saisissant comme ils le faisaient, ils s’en éloignèrent davantage. Et ils lièrent Celui par qui ils auraient dû plutôt vouloir être délies. Et peut-être y en eut-il parmi eux pour le charger alors de leurs chaînes, et qui, délivrés par lui dans la suite, s’écrièrent : « Vous avez brisé mes liens[7] ». C’est assez pour aujourd’hui ; si Dieu le permet, nous traiterons ce qui suit dans un autre discours.

CENT TREIZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES : « ET ILS LE CONDUISIRENT D’ABORD VERS ANNE », JUSQU’À CES AUTRES : « PIERRE LE NIA ENCORE UNE FOIS, ET AUSSITÔT LE COQ CHANTA ». (Chap. 18, 13-27.)

JÉSUS CHEZ ANNE ET CHEZ CAÏPHE.

Le Sauveur, trahi par Judas, traîné chez Anne, y est renié trois fois, par Pierre : ensuite, on le conduit chez Caïphe, un assistant le soufflette, et il répond à cette injure avec une dignité et un calme qui doivent nous servir d’exemple.


1. Les persécuteurs de Notre-Seigneur, après que Judas le leur eut livré, le saisirent et le lièrent ; car il nous a aimés, il s’est livré lui-même pour nous [8], et le Père ne l’a pas épargné, mais il l’a livré pour nous tous [9].

  1. Lc. 22, 51
  2. Rom. 7, 6
  3. Gal. 4, 24
  4. Rom. 8, 31, 32
  5. Eph. 5, 2
  6. Ps. 33, 6
  7. Id. 115, 16
  8. Eph. 5, 2
  9. Rom. 8, 32