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cette haine par les souffrances qui les attendaient dans la suite ; mais selon sa coutume, Notre-Seigneur annonçait ces choses et indiquait par un temps passé ce qui était encore à venir ; il ajoute ensuite la cause pour laquelle le monde les déteste : « Parce qu’ils ne sont pas de ce monde, comme moi-même je ne suis pas de ce monde ». Cette grâce leur avait été conférée par la régénération : car par leur naissance ils étaient du monde ; c’est pourquoi il leur avait déjà dit : « Je vous ai choisis du monde [1] ». Il leur avait donc été accordé de n’être pas plus du monde, que lui-même, qui les avait délivrés du monde. Pour lui, il n’a jamais été du monde ; car, même selon la forme d’esclave, il est né du Saint-Esprit qui leur a communiqué la grâce de renaître. En effet, si les disciples ne sont plus du monde, parce qu’ils ont puisé dans le Saint-Esprit une seconde vie, Notre-Seigneur n’a jamais été du monde, puisqu’il est né du Saint-Esprit.
2. « Je ne prie pas », continue-t-il, « pour que vous les enleviez du monde, mais pour que vous les préserviez du mal ». En effet, quoiqu’ils ne fussent plus du monde, ils avaient besoin d’y demeurer encore. Il répète la même pensée. « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde, sanctifiez-les dans la vérité ». Ainsi, en effet, seront-ils préservés du mal ; voilà ce que tout à l’heure déjà il demandait pour eux. On peut faire cette question : Comment n’étaient-ils plus du monde, s’ils n’étaient pas encore sanctifiés dans la vérité ; ou bien, s’ils l’étaient déjà, pourquoi Jésus-Christ demande-t-il qu’ils le soient ? N’est-ce pas parce que, étant déjà sanctifiés, ils font des progrès dans cette sainteté et deviennent encore plus saints ? Mais si leur sainteté se perfectionne, la grâce de Dieu est loin d’y être étrangère ; car celui qui en a consacré le commencement, en consacre aussi le perfectionnement. Aussi l’Apôtre dit-il : « Celui qui en vous a commencé la bonne œuvre, la perfectionnera jusqu’au jour de Jésus-Christ[2] ». C’est pourquoi les héritiers du Nouveau Testament sont sanctifiés dans la vérité, dont les sanctifications de l’Ancien Testament n’étaient que les ombres ; et quand ils sont sanctifiés dans la vérité, assurément ils le sont en Jésus-Christ, qui a dit avec vérité : « C’est moi qui suis la voie, la vérité et la vie [3] ». De même en est-il quand il dit : « La vérité vous délivrera » ; car, pour expliquer ensuite ce qu’il a voulu dire, il ajoute peu après : « Si le Fils vous délivre, alors vous serez vraiment libres [4] ». 2 voulait montrer par là que ce qu’il appelait la vérité était ce que plus loin il appelait le Fils. Que veut-il donc dire en cet endroit : « Sanctifiez-les dans la vérité », sinon : sanctifiez-les en moi ?
3. Enfin Notre-Seigneur continue, et il ne cesse de faire entendre la même chose plus clairement : « Votre parole est la vérité ». Était-ce dire autre chose que ceci : Je suis la vérité ? Le texte grec de l’Évangile porte le mot logos, qui se lit aussi au passage où il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Et nous avons reconnu que le Verbe était le Fils unique de Dieu, « qui s’est fait chair et qui a habité parmi nous[5] ». C’est pourquoi on aurait pu mettre ici, et on le trouve dans quelques exemplaires : Votre Verbe est la vérité ; de même que dans quelques exemplaires il est écrit : « Au commencement était la Parole ». En grec, on lit invariablement ici et là: Logos. C’est pourquoi le Père sanctifie dans la vérité, c’est-à-dire dans son Verbe, dans son Fils unique, ses héritiers et les cohéritiers de celui-ci.
4. Mais le Sauveur parle encore des Apôtres, car il continue en ces termes « Comme vous m’avez envoyé dans le monde, et moi aussi je les ai envoyés dans le monde ». Qui a-t-il envoyé, sinon ses Apôtres ? Le nom même d’Apôtres, qui est un nom grec, ne signifie pas, en latin, autre chose qu’envoyés. Dieu a donc envoyé son Fils, non pas dans une chair de péché[6], mais sous la ressemblance de la chair du péché ; et son Fils a envoyé ceux qui, étant nés dans la chair du péché, ont été par lui purifiés de la tache du péché.
5. Mais par cela même que le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme est devenu le chef de l’Église, les Apôtres sont ses membres ; c’est pourquoi Notre-Seigneur ajoute ce qui suit : « Et pour eux, je me sanctifie moi-même ». Qu’est-ce à dire : « Et pour eux, je me sanctifie moi-même ? » Le voici : Je les sanctifie en moi-même, puisqu’ils ne sont autre chose que moi-même. Car, comme

  1. Jn. 15, 19
  2. Phil. 1, 6
  3. Jn. 14, 6
  4. Id. 8, 32, 36
  5. Id. 1,1,14
  6. Rom. 8, 3