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vous m’avez envoyé ». Ici il faut sous-entendre « vraiment ». Après avoir dit : « Ils ont connu vraiment », il a voulu l’expliquer, en ajoutant : « Et ils ont cru ». Ils ont donc cru « vraiment » ce qu’ils ont connu « vraiment » ; car ces mots : « Je suis sorti de vous », ont le même sens que ceux-ci : « Vous m’avez envoyé ». Il avait donc dit : « Ils ont connu vraiment » ; mais afin de ne point laisser supposer que cette connaissance était le résultat d’une vue claire et non celui de la foi, il ajoute comme explication : « Et ils ont cru », de telle sorte que nous devons sous-entendre « vraiment », et comprendre que ces mots : « Ils ont connu vraiment », signifient : « Ils ont cru vraiment » ; en d’autres termes, ils n’ont pas cru de la manière à laquelle il faisait allusion lorsque, peu auparavant, il leur disait : « Maintenant croyez-vous ? L’heure vient, et elle est déjà venue, « où vous serez dispersés chacun de votre côté et où vous me laisserez seul ». Mais « ils ont cru vraiment [1] », comme il faut croire d’une foi inébranlable, ferme, stable et courageuse ; ils ne devaient plus retourner chez eux et abandonner Jésus-Christ. Ses disciples n’étaient pas encore tels qu’il les disait, en se servant du temps passé, comme si déjà ils l’étaient devenus ; mais il annonçait ce qu’ils deviendraient après avoir reçu le Saint-Esprit, qui devait, selon sa promesse, leur enseigner toutes choses. Avant d’avoir reçu cet Esprit, comment gardèrent-ils sa parole ? Notre-Seigneur le leur dit, comme s’ils l’avaient déjà fait ; le premier d’entre eux ne l’a-t-il pas, en effet, renié trois fois[2], quoiqu’il eût entendu de sa bouche même ce qui devait arriver à l’homme qui le renierait devant les hommes[3] ? Suivant son expression même, il leur donna donc les paroles que lui avait données le Père ; mais quand ils les reçurent spirituellement dans leurs cœurs, et non pas seulement extérieurement dans leurs oreilles, c’est alors qu’ils les reçurent véritablement, parce qu’alors ils les connurent véritablement ; et ils les connurent véritablement, parce qu’ils les crurent véritablement.

7. Mais comment le Père a-t-il donné ces paroles au Fils lui-même ? Par quelles paroles l’homme pourra-t-il l’expliquer ? Sans doute, la question est plus facile, si l’on croit qu’il a reçu ces paroles du Père en tant que Fils de l’homme ; et toutefois, qui racontera quand et comment celui qui est né d’une vierge a appris ces paroles ? car, même sa génération dans le sein d’une Vierge, qui la racontera ? Mais si l’on croit qu’il a reçu du Père ces paroles, en tant qu’il est son Fils et qu’il lui est coéternel, on doit faire abstraction du temps ; par conséquent, on ne peut supposer qu’il ai} existé un seul instant sans les avoir, ou qu’il les ait reçues de manière à avoir ce qu’il n’avait pas auparavant. En effet, tout ce que Dieu le Père a donné à Dieu le Fils, il le lui a donné en l’engendrant. Car le Père a donné au Fils ce sans quoi il ne pourrait être le Fils, comme il lui a donné d’être. Comment pourrait-il donner autrement quelques paroles à son Verbe, puisque c’est en lui qu’il a dit toutes choses d’une manière ineffable ? Pour ce qui suit, il faut attendre à un autre discours.

  1. Jn. 16, 31, 32
  2. Mat. 26, 63-74
  3. Mat. 10, 33