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Dieu. Et cependant le Père n’est pas le même que le Fils, le Fils n’est pas le même que le Père, et le Saint-Esprit n’est pas le même que le Père et le Fils ; puisqu’ils sont trois, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; mais la Trinité elle-même est un seul Dieu. Si donc le Fils vous glorifie de la manière « dont vous a lui avez donné la puissance sur toute chair », et si vous la lui avez donnée de telle sorte, « que ceux que vous lui avez donnés, il leur « donne la vie éternelle », et « que cette vie éternelle soit de vous connaître », il s’ensuit que le Fils vous glorifie en vous faisant connaître à tous ceux que vous lui avez donnés. Donc, si la vie éternelle n’est autre chose que la connaissance de Dieu, plus nous avançons dans cette connaissance, plus nous tendons vers la vie. Or, nous ne mourrons pas dans la vie éternelle ; la connaissance de Dieu sera donc parfaite, quand il n’y aura plus de mort à subir. Alors aura lieu la souveraine glorification de Dieu ; car, alors sera sa souveraine gloire, qui en grec se dit doxa. C’est pourquoi il est dit ici : doxason,ce que les Latins ont traduit, les uns par le mot clarifica, et d’autres par le mot glorifica. « La gloire », c’est-à-dire, ce qui rend les hommes glorieux, a été définie ainsi par les anciens : La gloire est une grande renommée accompagnée de louanges. Mais si on loue un homme parce qu’on s’en rapporte sur son compte à la renommée, comment louera-t-on Dieu, lorsqu’on le verra lui-même ? C’est pourquoi il est écrit : « Bienheureux ceux qui habitent dans votre demeure, ils vous loueront dans les siècles des siècles [1] ». On louera Dieu sans fin, là où on le connaîtra parfaitement ; et parce qu’il y aura pour nous une parfaite connaissance de Dieu, il y aura pour lui une souveraine manifestation ou glorification.
4. Mais Dieu est d abord glorifié ici-bas, lorsqu’on l’annonce pour le faire connaître aux hommes, et que, par leur foi, les croyants le prêchent au monde. C’est pourquoi Jésus dit : « Je vous ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que vous m’avez donnée à faire » ; il ne dit pas : que vous m’avez commandée, mais : « que vous m’avez donnée à « faire ». Ici, il est évidemment question de la grâce ; car la nature humaine, même dans son Fils unique, a-t-elle quelque chose qu’elle n’ait pas reçu ? Pour elle, n’est-ce pas un privilège de ne faire aucun mal et de faire tout le bien possible, et ce privilège ne lui a-t-il pas été accordé, lorsque le Verbe, qui a fait toutes choses, se l’est associée en unité de personne ? Mais comment a-t-il achevé l’œuvre qu’il avait reçu mission d’accomplir, quand il reste encore à faire l’expérience de cette passion, par laquelle il a surtout donné à ses martyrs un exemple à suivre ; ce qui a fait dire à l’apôtre Pierre : « Jésus-Christ a souffert pour nous, nous laissant a son exemple afin que nous suivions ses traces [2] ? » Parce qu’il a pu dire qu’il avait achevé ce qu’il savait certainement devoir achever. C’est ainsi que, longtemps avant l’événement, il se servait, dans les prophéties, de verbes au temps passé, quand ce qu’il annonçait ne devait arriver que bien des années après : « Ils ont percé », dit-il, « mes mains « et mes pieds ; ils ont compté tous mes os [3] » ; il ne dit pas : Ils perceront, ils compteront. Dans notre Évangile même, il dit : « Tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître [4] », quoiqu’en s’adressant ensuite aux mêmes hommes, il leur dise« J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant [5] ». En effet, pour celui qui, par des causes certaines et immuables, a prédestiné tout ce qui doit arriver, on peut dire que déjà il a fait ce qu’il doit faire. Aussi un Prophète a-t-il dit de lui : « C’est lui qui a fait les choses à venir[6] ».
5. C’est encore en ce sens qu’il ajoute : « Et maintenant vous, Père, glorifiez-moi aussi en vous-même, de la gloire que j’ai eue en vous, avant que le monde fût ». Plus haut il avait dit : « Père, l’heure est venue, glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie à son tour ». Cet ordre de parole montrait que le Père devait d’abord glorifier le Fils, afin que le Fils glorifiât ensuite le Père. Maintenant, au contraire, il dit : « Je vous ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que vous m’avez donnée à faire ; et maintenant glorifiez-moi », comme s’il avait été le premier à glorifier le Père, à qui il demande de le glorifier lui-même à son tour. Il faut donc admettre que, dans le premier passage, il s’est servi de ces deux mots pour marquer ce qui devait arriver, et dans l’ordre

  1. Ps. 83, 5
  2. 1 Pi. 2, 21
  3. Ps. 21, 17, 18
  4. Jn. 15, 15
  5. Id. 16, 12
  6. Isa. 45, 11, suiv. les Septante