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envoyé », ont été prononcées pour montrer que le Père et le Fils sont d’une seule et même nature, il semblera conséquent de conclure de ces autres paroles. « Quiconque reçoit celui « que j’aurai envoyé, me reçoit », que le Fils et l’Apôtre sont de même nature aussi. On pourrait à la vérité le comprendre ainsi sans grand inconvénient ; car il est composé de deux substances, ce Géant qui s’est élancé pour parcourir sa carrière [1]. Le Verbe s’est fait chair[2] ; c’est-à-dire, Dieu s’est fait homme. Alors il pourrait sembler que Notre-Seigneur a dit : « Quiconque reçoit celui que j’aurai a envoyé, me reçoit », comme homme ; « mais qui me reçoit » comme Dieu, « reçoit celui qui m’a envoyé ». Or, quand il prononçait ces paroles, Notre-Seigneur n’avait point en vue l’unité de sa nature ; mais il recommandait, dans la personne de l’envoyé, l’autorité de celui qui l’envoie. Que chacun donc, en recevant celui qui est envoyé, reconnaisse en lui celui qui l’envoie. Si donc, en Pierre, tu vois Jésus-Christ, dans le disciple tu rencontreras le maître ; si tu vois le Père dans le Fils, tu rencontreras dans le Fil : le Père éternel ; de cette façon, vous recevez sans aucune erreur dans l’envoyé celui qui l’envoie. Le peu de temps qui nous reste ne me permet pas de traiter, sans l’abréger, ce qui suit dans l’Evangile. Recevez donc, mes très-chers frères, ce que nous vous avons dit comme de saintes brebis reçoivent leur nourriture ; si vous trouvez qu’il y en a assez, rassasiez-vous avec profit ; si vous trouvez qu’il y en a trop peu, ruminez-le pour donner plus ample satisfaction à vos désirs.

SOIXANTIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES : « JÉSUS AYANT DIT CES CHOSES, FUT TROUBLÉ EN SON ESPRIT ». (Chap. 13, 21.)

LE TROUBLE DE JÉSUS.

21-26 Au moment où Judas allait sortir pour consommer son crime, le Sauveur tomba dans le trouble ; c’était, chez lui, un effet, non de la faiblesse, mais de la volonté ; et ce trouble, il l’éprouva soit par compassion pour le traître, soit afin de nous venir en aide dans les circonstances où notre âme subit le contre-coup des épreuves de la vie.


1. Ce n’est pas une petite difficulté, mes frères, que celle qui se présente dans l’Évangile de Jean, à ces paroles : « Jésus ayant dit ces a choses, fut troublé en son esprit et leur parlant ouvertement, il dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, l’un de vous me trahira ». Ce trouble de Jésus non dans sa chair, mais bien dans son esprit, lui vint-il de ce qu’il allait dire à ses disciples : « L’un de vous me trahira ? » Est-ce que cette pensée se présentait pour la première fois à son esprit, ou bien la chose lui fut-elle seulement alors révélée tout à coup pour la première fois, et fut-il troublé par la nouveauté et la grandeur de ce crime ? Mais n’en parlait-il pas tout à l’heure, lorsqu’il disait : « Celui qui mange du pain avec moi lèvera contre moi son talon ? » N’avait-il pas dit encore : « Et vous êtes purs, mais non pas tous ? » et l’Évangéliste n’ajoutait-il pas : « Car il savait quel était celui qui devait le trahir[3] ? » Il l’avait déjà lui-même indiqué en disant : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis tous les douze, et l’un de vous est un démon[4] ». D’où vient donc « qu’il fut troublé en son esprit », quand il dit ouvertement : En vérité, en vérité, je vous déclare que l’un de vous me trahira ? » N’est-ce pas parce qu’il était sur le point de le faire connaître, pour ne pas le laisser inconnu, mais pour le distinguer des autres, « qu’il fut troublé en son esprit ? » ou bien, comme le traître était sur le point de sortir pour aller quérir les Juifs auxquels il devait livrer le Seigneur, fut-il troublé par la mort qui le menaçait, par le

  1. Ps. 18, 6
  2. Jn. 1, 14
  3. Jn. 14, 18, 10-11
  4. Id. 6, 71