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absent ? Comment pénétrer jusque dans le ciel où il est assis, pour s’emparer de lui ? Que ta foi s’élève jusqu’au ciel, et tu le saisiras. Tes pères l’ont saisi avec les mains de leur corps ; pour toi, saisis-le avec ton cœur ; car, bien qu’absent, Jésus-Christ est toujours présent : s’il ne l’était point, nous serions nous-mêmes dans l’impossibilité de le saisir : mais comme ce qu’il nous dit est vrai, « voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles [1] » ; s’il s’en est allé, il est encore ici ; s’il est retourné à son Père, il ne nous a pas abandonnés. Son corps s’est élevé dans les cieux, mais sa divinité ne s’est pas éloignée du monde.
5. « Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie, où était mort Lazare, qu’il avait ressuscité. On lui donna à souper, Marthe le servait et Lazare était un de ceux qui étaient à table avec lui ». De peur que les hommes ne s’imaginassent que sa résurrection d’entre les morts n’était qu’un vain fantôme, Lazare était du nombre de ceux qui étaient à table avec lui ; il était vivant ; il parlait, il prenait part au festin : la vérité se manifestait ainsi au grand jour, et l’incrédulité des Juifs se trouait confondue. Le Seigneur était donc à table avec Lazare et les autres, et Marthe, une des sœurs de Lazare, les servait.
6. Or « Marie », l’autre sœur de Lazare, « prit une livre de vrai nard, parfum précieux, et le répandit sur les pieds de Jésus, et elle les essuya avec ses cheveux, et toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum ». Vous avez entendu le fait, cherchons le mystère qu’il renferme. O âme, qui que tu sois, si tu veux être fidèle, avec Marie verse sur les pieds du Sauveur un parfum précieux. Ce parfum n’était autre que la justice, c’est pourquoi il y en avait une livre. C’était un parfum « de nard » précieux et éprouvé. Le nom donné à ce parfum indique, à ce que je crois, la contrée d’où il venait ; mais ce mot n’est pas exempt de mystère, et il convient bien à celui que nous voulons découvrir. En grec, pistis signifie la foi. Tu voulais savoir comment pratiquer la justice ? « Le juste vit de la foi[2] ». Oins les pieds de Jésus par une vie sainte, suis les traces du Seigneur. Essuie ses pieds avec tes cheveux ; si tu as du superflu, donne-le aux pauvres, et tu auras essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux sont pour le corps comme quelque chose de superflu. Tu vois ce qu’il faut faire de ton superflu ; il est superflu pour toi, mais il est nécessaire aux pieds du Seigneur. Peut-être que, sur la terre, les pieds du Seigneur se trouvent dans le besoin. De qui donc, sinon de ses membres, doit-il dire à la fin du monde : « Ce que vous avez fait au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez fait [3] ? » Vous avez donné des choses qui né vous étaient pas nécessaires, mais vous avez soulagé mes pieds.
7. « Et toute la maison fut remplie de l’odeur ». Le monde se remplit de la bonne renommée ; car la bonne odeur, c’est la bonne renommée. Ceux qui vivent mal et qui portent le nom de chrétiens font injure à Jésus-Christ ; c’est d’eux qu’il est dit : « A cause d’eux le nom du Seigneur est blasphémé[4] » ; mais si à cause d’eux le nom de Dieu est blasphémé, à cause des bons le nom du Seigneur est comblé de louanges. Écoutez l’Apôtre : « Nous sommes », dit-il, « la bonne odeur de Jésus-Christ en tout lieu ». Il est dit aussi au Cantique des cantiques : « Ton nom est un parfum répandu[5] » ; mais revenons à l’Apôtre : « Nous sommes », dit-il, « la bonne odeur de Jésus-Christ en tout lieu, et pour ceux qui se sauvent et pour ceux qui périssent ; aux uns une odeur de vie pour la vie, et aux autres une odeur de mort pour la mort. Et qui est propre à ce ministère[6] ? » La lecture de ce passage du saint Évangile nous fournit l’occasion de parler de cette bonne odeur, de telle sorte que nos paroles soient suffisantes, et que vous l’écoutiez avec attention ; car l’Apôtre lui-même nous dit : « Qui est propre à ce ministère ? » Donc, par cela seul que nous nous efforcerons de parler, serons-nous propres à le faire ; et vous, serez-vous aptes à entendre ces choses ? Pour moi, en vérité, je n’en suis pas capable ; mais il en est capable, celui qui par moi daignera vous dire des choses qu’il vous sera avantageux d’entendre. L’Apôtre « est une bonne odeur », comme il le dit lui-même ; mais bien qu’il soit une bonne odeur, et s’il est « aux uns une odeur de vie pour la vie, il « n’en est pas moins pour les autres une odeur de mort pour la mort ». Et cependant il est une bonne odeur, car il ne dit

  1. Mt. 28, 20
  2. Rom. 1, 17
  3. Mt. 25, 40
  4. Rom. 2, 24
  5. Cant. 1, 2
  6. 2 Cor. 2, 14-16