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rendre le mal pour le bien, c’est que Jésus-Christ dort dans la barque. Le sommeil de Jésus-Christ dans ton cœur, c’est l’oubli de la foi, car si tu réveilles Jésus-Christ, c’est-à-dire si tu te rappelles les enseignements de la foi, que te dit Jésus-Christ au moment où il se réveille dans ton cœur ? Des hommes m’ont dit : « Vous êtes possédé du démon[1] » ; et j’ai prié pour eux. Le maître reçoit une injure et il la supporte, et le serviteur se laissera aller à l’indignation ! Mais tu veux te venger. Eh quoi ! me suis-je moi-même vengé ? Quand ta foi te parle de la sorte, elle commande aux vents et aux flots, et il se fait en toi un grand calme. De même donc que réveiller Jésus-Christ dans la barque, c’est y exciter la foi ; de même dans le cœur de l’homme qu’oppressent une masse énorme d’iniquités et une longue habitude du péché, dans le cœur de l’homme qui a transgressé l’Évangile et méprisé les peines éternelles, que Jésus-Christ frémisse, que l’homme se condamne lui-même. Écoute encore : Jésus-Christ a pleuré ; que l’homme pleure sur lui-même. Pourquoi, en effet, Jésus-Christ a-t-il pleuré ? N’est-ce point pour apprendre à l’homme à pleurer ? Pourquoi a-t-il frémi et s’est-il troublé lui-même ? N’est-ce point parce que la foi de l’homme, qui se déplaît à lui-même, à juste titre, doit frémir dans l’accusation de ses fautes, afin que l’habitude du péché cède à la violence de la pénitence ?
20. « Et il dit : Où l’avez-vous déposé ? » Eh quoi ! vous avez su qu’il était mort, et vous ignorez où on l’a enseveli ? Cela signifie que l’homme perdu de la sorte, Dieu ne le connaît pour ainsi dire pas. Je n’ai pas osé dire : Dieu ne le connaît pas ; car, où est ce que Dieu ne connaît pas ? mais j’ai dit : Il l’ignore pour ainsi dire. Et comment le prouver ? Écoute ce que le Seigneur doit dire au jour du jugement : « Je ne vous connais pas, retirez-vous de moi[2] ». Qu’est-ce à dire : « Je ne vous connais pas ? » Je ne vous vois point dans ma lumière, je ne vous vois point dans cette justice que je connais. C’est pourquoi, comme s’il ne connaissait pas un pécheur de cette espèce, il dit : « Où l’avez-vous déposé ? » C’est aussi dans le même sens que Dieu parla dans le paradis, quand l’homme eut péché : « Adam, où es-tu[3] ? Ils lui disent : Seigneur, venez et voyez.« Voyez », c’est-à-dire, ayez pitié. Le Seigneur voit, en effet, quand il fait miséricorde. C’est pourquoi le Psalmiste lui dit : « Voyez mon abaissement et ma peine, et pardonnez-moi tous mes péchés [4] ».
21. « Jésus pleura. Alors les Juifs dirent : Voilà comme il l’aimait ». Qu’est-ce à dire il l’aimait ? « Je ne suis pas venu », dit-il lui-même, « appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence[5]. Or,

  1. Jn. 7, 20
  2. Mt. 7, 23
  3. Gen. 3, 9
  4. Ps. 24, 18
  5. Mt. 9, 13