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et qui demeurent dans leur péché. Mais pour le jugement qu’il exercera à la fin des temps à l’égard des vivants et des morts, il n’est pas venu l’exercer dans le monde ; car, relativement à cela, il a dit : « Je ne juge personne [1] », et, s’il est venu d’abord, a ce n’est point pour a juger le monde, mais pour le sauver[2] ».

QUARANTE-CINQUIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT : « CELUI QUI N’ENTRE POINT PAR LA PORTE DANS LA BERGERIE DES BREBIS, MAIS QUI Y ENTRE AUTREMENT, EST UN VOLEUR ET UN BRIGAND », JUSQU’À CET AUTRE : « JE SUIS VENU POUR QU’ELLES AIENT LA VIE, ET QU’ELLES L’AIENT PLUS ABONDAMMENT. (Chap. 10,1-10.)

LA PORTE ET LE PASTEUR.

Jésus-Christ est cette porte : si on ne passe point par elle, les meilleures œuvres sont inutiles. Par conséquent, ni les païens, ni les Juifs, assez aveugles pour ne pas reconnaître le Fils de Dieu fait homme, ne pouvaient ni se sauver eux-mêmes, ni sauver leurs disciples ; de même en est-il des hérétiques. Ses brebis sont ceux qui ont écouté avec docilité le Sauveur, soit dans la personne des prophètes, soit dans sa propre personne, qui ont été prédestinés, qui persévèrent dans le bien jusqu’à la fin : ceux-là entrent parla porte dans l’Église où ils se sanctifient, et, plus tard, ils sortent encore par la porte pour être admis dans le ciel.


1. Ce discours de Notre-Seigneur aux Juifs a commencé à l’occasion de la guérison de l’aveugle-né. La leçon de ce jour ne fait donc avec celle d’hier qu’un seul tout ; j’en avertis votre charité, et je tiens à ce qu’elle le sache. En effet, le Sauveur avait dit : « Je suis venu en ce monde pour le jugement, afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Nous avons expliqué de notre mieux cette leçon, au moment où elle a été lue. Alors quelques-uns d’entre les Pharisiens lui avaient répondu : « Et nous, sommes-nous aussi des aveugles ? » Il reprit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez point de péché ; mais maintenant, vous dites : Nous voyons, et votre péché demeure [3] ». À ces paroles il ajouta celles que nous venons d’entendre.
2. « En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui n’entre point par la porte dans la bergerie des brebis, mais qui y entre autrement, est un voleur et un brigand ». Les Juifs ont dit qu’ils n’étaient pas des aveugles ; ils pourraient voir maintenant s’ils sont des brebis du Christ. Comment s’attribuaient-ils injustement le privilège de la lumière, eux qui s’emportaient comme des furieux contre le jour ? C’est à cause de leur vaine, orgueilleuse et inguérissable arrogance, que le Seigneur Jésus a ajouté ces paroles aux précédentes ; si nous voulons y prêter attention, nous y trouverons pour nous un salutaire avertissement. Il en est un bon nombre qui, en raison d’une certaine régularité de conduite, passent pour être des hommes irréprochables, de bons époux, d’excellentes femmes, des innocents et des observateurs de tous les préceptes de la loi. Ils honorent leurs pères et mères, ne se livrent point au libertinage, ne commettent pas l’homicide, ne se rendent coupables d’aucun vol, ne rendent de faux témoignage contre personne ; ils semblent accomplir tout ce que la loi prescrit, et toutefois, ils ne sont pas chrétiens, et la plupart du temps ils se vantent comme faisaient les interlocuteurs de Jésus : « Et nous, sommes-nous aussi des aveugles ? » Ils font toutes ces œuvres, mais ils ne savent pour quelle fin, et par conséquent leurs œuvres sont inutiles ; c’est pourquoi, dans la leçon d’aujourd’hui, le Sauveur propose une similitude relative à son troupeau, et à là porte par laquelle on entre dans la bergerie. Que les païens disent : Nous nous conduisons sagement ; s’ils n’entrent point par la porte, à

  1. Jn. 8, 15
  2. Id. 3, 17
  3. Jn. 9, 39-41