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disaient : Comment un pécheur peut-il faire ces miracles ? » Ceux-ci avaient déjà les yeux du cœur frottés de boue. « Et il y avait i division entre eux ». Le jour avait séparé la lumière des ténèbres. « Ils dirent de nouveau à l’aveugle : Et toi, que dis-tu de Celui qui t’a ouvert les yeux ? » Quel est ton sentiment à son égard ? Qu’en penses-tu ? Qu’en dis-tu ? Ils cherchaient le moyen d’accuser cet homme, pour le chasser de la synagogue ; mais il devait, par là même, être recueilli par le Christ. Quant à lui, il ne cessa de manifester son opinion ; car il dit : « C’est un prophète ». Il avait déjà les yeux de l’âme frottés de boue ; il ne confesse pas encore le Fils de Dieu ; néanmoins, il ne ment pas. Car le Sauveur dit lui-même, en parlant de sa propre personne : « Il n’y a de prophète sans boni peur que dans son pays [1] ».
10. « Mais les Juifs ne crurent point de lui qu’il eût été aveugle et qu’il eût recouvré la vue, jusqu’à ce qu’ils eussent appelé le père cet la mère de celui qui avait vu », c’est-à-dire de celui qui avait vu après avoir été aveugle. « Et ils les interrogèrent, disant : Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? Le père et la mère leur répondirent : Nous savons que c’est là notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment voit-il maintenant, ou qui lui a ouvert les yeux, nous l’ignorons. Il a de l’âge. Interrogez-le ; il répondra pour lui-même ». C’est notre fils : s’il était encore enfant, nous pourrions être, à juste titre, forcés de répondre pour lui, parce qu’il serait incapable de parler pour lui-même. Mais il parle depuis longtemps, il voit depuis peu. Nous n’ignorons pas qu’il était aveugle à sa naissance ; nous savons qu’il parle depuis longtemps, nous voyons qu’il jouit maintenant de l’usage de ses yeux ; interrogez-le donc, si vous voulez vous instruire ; pourquoi vouloir nous accuser ? « Son père et sa mère parlèrent ainsi, parce qu’ils craignaient les Juifs ; car les Juifs étaient déjà convenus que si quelqu’un confessait qu’il était le Christ, on le chasserait de la synagogue ». Ce n’était plus déjà un si grand malheur d’être chassé de la synagogue ; ceux que les Juifs en expuIsaïent, le Christ les recevait. « C’est pourquoi son père et sa mère dirent : Il a de l’âge, interrogez-le ».
11. « Ils appelèrent donc encore une fois l’homme qui avait été aveugle, et lui dirent : « Rends grâces à Dieu ». Qu’est-ce à dire « Rends grâces à Dieu ? » Nie le bienfait que tu as reçu. Évidemment, ce n’est pas là rendre gloire à Dieu ; c’est plutôt le blasphémer : « Rends gloire à Dieu. Nous savons que cet homme est un pécheur. Il répondit : S’il est pécheur, je l’ignore ; ce que je sais, c’est que j’étais aveugle, et que maintenant je vois. Ils lui dirent de nouveau : Que t’a-t-il fait ? Comment a-t-il ouvert tes yeux ? » Impatienté de l’endurcissement des Juifs, jouissant de sa vue après avoir été aveugle, ne pouvant supporter des aveugles, il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous l’avez entendu ; pourquoi voulez-vous encore l’entendre ? Voulez-vous aussi devenir ses disciples ? » Que veulent dire ces paroles : « Voulez-vous aussi », sinon : Je le suis déjà ? « Voulez-vous aussi ? » Je vous vois, mais ce n’est pas d’un œil d’envie.
12. « Ils le maudirent donc et lui dirent : « Sois son disciple si tu veux ». Qu’une pareille malédiction tombe sur nous et sur nos enfants ! C’était une véritable malédiction ; tu le comprendras, si tu fais attention, non à leurs paroles, mais aux dispositions qui les ont dictées. « Pour nous, nous sommes les disciples de Moïse : Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d’où il est ». Plaise à Dieu que vous sachiez que Dieu a parlé à Moïse, car vous sauriez que celui-ci a été proclamé Dieu par Moïse ! Le Sauveur ne dit-il pas, en effet : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est de moi qu’il a écrit [2] ». Est-ce ainsi que, pour suivre le serviteur, vous tournez le dos au Maître ? Mais vous ne suivez pas même le serviteur, car il vous conduirait au Maître.
13. « Cet homme répondit en disant : Certes, c’est une chose étrange que vous ne sachiez pas d’où il est, lui qui m’a ouvert les yeux. Nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs ; mais si quelqu’un est serviteur de Dieu, et fait sa volonté, il l’exauce ». Il parle comme un homme dont les yeux sont encore frottés de boue, car Dieu exauce aussi les pécheurs ; s’il n’en était pas ainsi, le publicain aurait inutilement dit, en baissant les yeux et en se frappant la poitrine : « Seigneur, ayez pitié de moi, car je suis un pécheur ».

  1. Mt. 13, 57
  2. Jn. 5, 46