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répondre directement à la question : « Qui a es-tu ? » La vérité, c’est-à-dire je suis la vérité. Mais il leur a fait une réponse plus profonde. Voyant qu’ils lui avaient adressé cette question : « Qui es-tu ? » comme pour lui dire : Nous avons entendu sortir de ta bouche ces paroles : « Si vous ne croyez pas que je suis », pour qui devons-nous te prendre ? il leur répondit : « Pour le Principe » ; c’était, en d’autres termes, leur dire : Considérez-moi comme « le Principe » ; et il ajouta : « Parce que je vous parle », c’est-à-dire, parce je suis devenu humble à cause de vous et que je me suis abaissé jusqu’à vous parler. En effet, si le Principe tel qu’il est était demeuré dans le sein du Père, de manière à ne jamais se revêtir de la forme d’esclave, à ne jamais devenir homme pour parler aux hommes, comment ceux-ci auraient-ils cru en lui ? Des esprits nécessairement bornés eussent été incapables d’entendre sans le secours de la parole et de comprendre le Verbe. Croyez donc, leur dit-il, que je suis le « Principe » : parce que, pour vous donner la foi, il ne me suffit pas d’être, il faut que je daigne encore vous parler moi-même. Mais je vous ai déjà bien longuement entretenus sur ce sujet ; qu’il plaise donc à votre charité d’attendre à demain pour l’explication de ce qui reste ; avec le secours de Dieu, j’épuiserai alors toute la matière.

TRENTE-NEUVIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CE PASSAGE : « J’AI BEAUCOUP DE CHOSES À DIRE DE VOUS », JUSQU’À CET AUTRE : « ET ILS NE COMPRIRENT PAS QU’IL LEUR PARLAIT DU PÈRE ». (Chap. 8, 26-27.)

LA TRINITÉ, PRINCIPE.

Jésus se dit le principe, mais il ne l’est pas seul ; car il partage avec les deux autres personnes de la Trinité, et celles-ci partagent avec lui cette propriété. La paternité est propre au Père, la filiation au Verbe, la Procession au Saint-Esprit ; mais en tout le reste, les trois personnes divines ont la même nature et ne font qu’un Dieu, un principe. Par là même qu’il est inséparable du Père, et que le Père est véridique, les jugements du Fils sont fondés sur la vérité même.


1. Les paroles du saint Évangile qu’on vient de nous lire, ont été adressées aux Juifs par Notre-Seigneur Jésus-Christ ; en cette circonstance, le Sauveur s’est exprimé avec une si grande réserve, que les aveugles sont restés aveugles, et que ceux qui croyaient en lui ont ouvert les yeux. Voici ce passage dont on vous a donné lecture : « Les Juifs lui disaient : Qui es-tu ? » Car il leur avait fait cette déclaration : « Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos péchés [1] ». Ils lui adressèrent donc cette question : « Qui es-tu ? » comme s’ils désiraient savoir pour qui ils devaient le prendre, afin de ne pas mourir dans leurs péchés. À cette demande : « Qui es-tu ? » Jésus répondit : « Le Principe, parce que je vous parle moi-même ». Dès lors que, suivant sa déclaration formelle, il est le principe, on peut chercher à savoir si le Père est aussi principe. Si le Fils, qui a un Père, est principe, il est bien plus naturel encore de penser qu’il en est de même du Père, puisqu’il est le Père de son Fils et qu’il n’est lui-même engendré par aucun autre. Le Fils est Fils du Père, et le Père est évidemment Père du Fils ; mais on appelle le Fils Dieu de Dieu, lumière de lumière ; au Père, on donne le nom de lumière, mais jamais on ne l’a dit : lumière de lumière ; il est appelé Dieu, et non pas Dieu de Dieu. Que si le Dieu de Dieu, la lumière de lumière, est principe, combien plus facilement on peut regarder comme principe la lumière qui engendre la lumière, le Dieu qui engendre un Dieu. Très-chers frères, il est donc absurde

  1. Jn. 7, 25, 24