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cette vie sans la grâce du baptême : elles ne veulent point les voir mourir dans le péché qu’ils ont apporté avec eux en naissant. À quelle malheureuse destinée ; à quel triste sort sont condamnés ceux qui ont entendu sortir de la bouche véridique du Sauveur ces effrayantes paroles : « Vous mourrez dans vos péchés ! »
7. D’où leur vient ce malheur ? Jésus-Christ le leur apprend : « Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos péchés ». J’en suis persuadé, mes frères : dans cette multitude à laquelle Jésus adressait la parole se trouvaient ceux qui devaient croire en lui. Cette sévère sentence : « Vous mourrez dans vos péchés », semblait donc prononcée contre tous les auditeurs du Christ, et, par conséquent, ses futurs disciples eux-mêmes ne pouvaient plus conserver aucun espoir pour l’avenir : tandis que les Juifs s’irritaient contre le Sauveur, ils tremblaient ou plutôt ils ne tremblaient pas, mais ils désespéraient de leur sort. Jésus les rappelle au sentiment de l’espérance ; car il ajoute : « Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos péchés ». Donc, si vous croyez que je suis, vous ne mourrez pas dans vos péchés. Par là, il rend l’espoir à ceux qui n’en ont plus ; il réveille ceux qui dorment, et leurs cœurs sortent de l’assoupissement où ils étaient plongés : aussi plusieurs se décident-ils à croire, comme l’atteste la suite de l’Évangile. Il y avait là, en effet, des membres du Christ, qui n’étaient pas encore unis à son corps : dans les rangs de ce peuple, qui le crucifiait, l’élevait dans les airs avec l’instrument de son supplice, se moquait de lui, le perçait d’une lance, l’abreuvait de fiel et de vinaigre, dans les rangs de ce peuple se trouvaient des membres du Christ, en faveur desquels il a fait cette prière : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ». Quels péchés ne seront point remis à l’homme repentant, si Dieu pardonne même l’effusion du sang de son Fils ? Quel homicide pourrait encore désespérer de son salut, quand celui qui a fait mourir le Christ a récupéré le droit d’espérer encore ? Aussi, beaucoup crurent en Jésus : son sang leur fut donné, afin qu’en le buvant ils devinssent plus innocents qu’ils n’étaient devenus coupables en le répandant. Quel homme peut maintenant désespérer ? Un homme avait été surpris, peu de temps auparavant, dans la perpétration du crime d’homicide ; puis, un peu après, il s’était vu accusé, convaincu, condamné, crucifié, et néanmoins le Christ l’a absous de son forfait si ce brigand, attaché à la croix, a été sauvé, ne t’en étonne pas : il a été condamné là où son crime a été prouvé ; mais le pardon lui en a été accordé là où il s’en est repenti [1]. Dans les rangs du peuple, auquel le Sauveur adressait la parole, se trouvaient donc des hommes qui devaient mourir dans leur péché, et aussi des hommes qui devaient croire en Celui qui leur parlait, et se voir par lui délivrés de tout péché.
8. Remarquez, néanmoins avec attention ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos péchés ». Qu’est-ce à dire : « Si vous ne croyez pas que le suis ? » Que « suis-je ? » Il n’a rien ajouté ; et, parce qu’il n’a rien ajouté, il a voulu nous faire entendre bien des choses. On s’attendait à l’entendre dire ce qu’il était, et il ne l’a pas dit. Mais quelles paroles attendait-on de lui ? Peut-être celles-ci : « Si vous ne croyez pas que je suis » le Fils de Dieu, « si vous ne croyez pas que je suis » le Verbe du Père, « si vous ne croyez pas que je suis » le Créateur du monde, « si vous ne croyez pas que je suis » le formateur et le réformateur de l’homme, l’auteur et le réparateur de son être, Celui qui l’a fait et refait, « si vous ne croyez pas que je suis » cela, « vous mourrez dans vos péchés ». Dire : « Je suis », c’est beaucoup dire ; en parlant à Moïse, Dieu s’était déjà exprimé ainsi : «. Je suis Celui qui suis ». Où est l’homme capable d’expliquer, comme il le faudrait, le sens du mot : « Je suis ? » Dieu envoyait, par son ange, son serviteur Moïse, avec la mission de délivrer son peuple de la captivité d’Égypte ; (vous avez lu ce fait dont je vous parle, vous le connaissez ; je le rappelle néanmoins à votre souvenir.) Moïse tremblait à la pensée d’une pareille mission ; il s’en excusait, mais enfin il l’accepta. Dans l’intention de décliner les ordres de Dieu ; il dit au Très-Haut dont il reconnaissait la voix dans celle de l’ange : Si le peuple me dit : Quel est donc ce Dieu qui t’a envoyé ? que lui répondrai-je ? — Le Seigneur lui répondit : « Je suis celui qui suis ». Et il recommença : « Tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui es,

  1. Lc. 23, 34-43