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point le partage de ceux qui s’abandonnent au désespoir ; car, dit le Psalmiste, « les enfants des hommes espéreront à l’ombre de vos ailes ». Ceux dont l’espérance ne s’affaiblit point, vous les protégerez afin que le démon ne les en dépouille pas. « Ils espéreront à l’ombre de vos ailes ». Si donc ils espèrent, qu’espéreront-ils, sinon ce que ne posséderont jamais les êtres dépourvus de raison ? « Ils seront enivrés de l’abondance de votre maison, et vous les abreuverez du torrent de vos délices ». Quel est le vin dont il sera beau de s’enivrer ? Quel est le vin qui éclaire l’âme au lieu de la troubler ? Quel est le vin qui donne une perpétuelle santé, quand on s’en abreuve, sans lequel on tombe nécessairement malade ? « Ils seront enivrés » de quoi ? « de l’abondance de votre maison, et vous les abreuverez du torrent de vos délices ». Comment cela ? « Car en vous est la source de la vie ». Cette source de la vie se présentait elle-même aux hommes, et leur disait : « Que celui qui a soif, vienne à moi [1] ». Jésus-Christ était cette source. Mais en commençant, nous avions parlé de lumière, et nous avions entrepris d’expliquer une difficulté relative à la lumière, et à laquelle avait donné lien la lecture de l’Évangile. Nous avons lu, en effet, ce passage où le Sauveur dit : « Je suis la lumière du monde ». De là, une explication à donner pour que personne, sous l’influence d’idées charnelles, ne croie qu’il soit, en ce passage, question de l’astre du jour : nous avons été ainsi amenés à étudier le psaume précité, et nous y avons vu que le Sauveur est la source de la vie. Bois-y donc et vis. « En vous », dit le Psalmiste, « est la source de la vie ». C’est pourquoi les enfants des hommes qui veulent s’y enivrer, espèrent à l’ombre de vos ailes. Mais il s’agissait de lumière, Continue donc ; car, après avoir dit : « En vous est la source de la vie », le Prophète ajoute : « Et, dans votre lumière, nous verrons la lumière [2] » ; Dieu de Dieu, la lumière de la lumière. Par cette lumière a été créé l’éclat du soleil ; et cette lumière, par quia été fait le soleil, cette lumière qui nous a créés nous-mêmes et nous a placés sous le soleil, s’est établie aussi au-dessous du soleil pour l’amour de nous. Oui, je le répète, elle s’est, à cause de nous, placée dans un rang inférieur à celui du soleil qu’elle avait fait sortir du néant. Que le nuage charnel derrière lequel elle s’est cachée ne t’inspire aucune pensée de mépris pour elle : elle s’est ainsi cachée, non pour obscurcir ses rayons, mais pour en tempérer l’éclat.
5. Cette inaltérable lumière, cette lumière de la sagesse, cachée derrière le nuage de la chair, s’adresse aux hommes et leur dit : « Je suis la lumière du monde : celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie ». Vois comme il détourne tes regards de tout objet matériel, pour te rappeler à la considération d’un objet de nature toute différente. Il ne lui suffit pas de dire : « Celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière » ; car il ajoute : « de la vie », comme l’avait dit auparavant le Psalmiste : « Parce qu’en vous est la source de la vie ». Voyez donc, mes frères, quel accord se trouve entre les paroles du Sauveur et celles du Roi-Prophète : dans le psaume, il est aussi bien question de la lumière que de la source de vie, et Jésus-Christ nous parle de la lumière de vie. Dans notre manière d’apprécier les objets matériels, autre est la lumière, autre est une source : se servir de celle-ci, c’est le propre de notre gorge ; nos yeux doivent percevoir celle-là : quand nous avons soif, nous nous mettons en quête d’une fontaine ; nous nous munissons d’une lumière, si nous nous trouvons dans les ténèbres ; et si nous éprouvons, pendant la nuit, le besoin de boire, nous allumons un flambeau pour nous diriger plus sûrement vers la fontaine. Lorsqu’il s’agit de Dieu, il n’en est pas ainsi : en lui, ce qui est lumière, est en même temps source vive ; celui dont les rayons brillent à tes yeux pour t’éclairer, t’offre aussi d’abondantes eaux pour te rafraîchir.
6. Vous voyez, mes frères, si vous avez des yeux intérieurs, vous voyez à quelle lumière le Seigneur fait allusion quand il dit : « Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres ». Suis l’astre du jour, et voyons si tu ne marcheras pas dans les ténèbres. Voilà qu’il se lève et s’avance vers toi ; il dirige sa course vers l’Occident : pour toi, tu veux marcher peut-être vers l’Orient. Si tu ne suis pas une route toute différente, tout opposée à celle qu’il suit lui-même, il est indubitable qu’à marcher dans le même sens, tu feras fausse route, et qu’au lieu d’aller

  1. Jn. 7, 37
  2. Ps. 24, 8, 10