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ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés [1] ». Et, dans cette solitude, notre soif sera étanchée par l’eau sortie de la pierre ; « car la pierre, c’était le Christ ». On l’a frappée de la verge pour en faire sortir de l’eau ; et pour la faire jaillir on a frappé la pierre par deux fois[2]. Il y eut, en effet, deux bras à la croix. Tout ce qui se faisait autrefois en figure, se réalise donc en nous. Ce que l’Évangéliste a dit du Sauveur a donc un sens caché : « Il monta à la fête, non pas publiquement, mais comme en secret ». Ce mot : « en secret », était une figure, puisque réellement, en ce même jour de fête, le Christ se cachait : et ce jour de fête lui-même signifiait le pèlerinage des membres du Sauveur.
10. « Les Juifs donc le cherchaient à la fête », avant qu’il y montât. Car ses frères y étaient montés les premiers : pour le Christ, il ne s’y rendit point au moment où ils pensaient et désiraient l’y voir. Ainsi accomplissait-il cette parole qu’il leur avait adressée : Je n’irai pas « à cette fête », c’est-à-dire, au jour où vous voudriez m’y voir, au premier ou au second jour. Ensuite, ou, comme s’exprime l’Évangéliste, « au milieu de la fête », il y monta : c’est-à-dire il s’y rendit, quand il ne resta plus à solenniser qu’un nombre de jours égal à celui qu’on avait déjà fêté. Autant qu’il est permis de le supposer, cette fête se célébrait pendant plusieurs jours.
11. « Ils disaient donc Où est-il ? Et il y avait un grand murmure à cause de lui dans la foule ». D’où provenait ce murmure ? De leur désaccord. Et pourquoi ce désaccord ? « Parce que les uns disaient : Il est bon, et les autres répondaient : Non, il séduit le peuple ». Il faut appliquer ces paroles à tous ses membres, car d’eux tous on le dit encore aujourd’hui. Qu’une grâce spirituelle se fasse remarquer en quelqu’un, les uns disent : « Il est bon », les autres s’écrient : « Non, il séduit la foule ». D’où cela vient-il ? De ce que « notre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ[3] ». Les hommes ne disent-ils pas aussi pendant l’hiver : Cet arbre est mort ? Ce figuier, par exemple, ce poirier ou tout autre arbre fruitier ressemble à un arbre sec, et tant que dure l’hiver, la vie ne se manifeste nullement en eux ; mais en été, on l’y aperçoit, comme au jugement on verra que nous vivons ; notre été, ce sera le moment de la manifestation du Christ. « Dieu, notre Dieu, viendra publiquement, et il ne gardera pas le silence [4]. Un feu dévorant marchera devant lui » ; et ce feu « consumera ses ennemis [5] ». Il réduira en cendres les arbres arides. On reconnaîtra les arbres arides, quand le souverain Juge dira : « J’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger » ; de l’autre côté, c’est-à-dire à la droite, apparaîtront la multitude des fruits et la beauté des feuilles : leur verdeur ne sera autre chose que l’éternité. Aux uns il sera dit comme à du bois sec : « Allez au feu éternel[6]. Voilà que la hache est déjà placée à la racine de l’arbre, et tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu[7] ». Que les hommes disent donc de toi, si tu profites en Jésus-Christ, qu’ils disent : « Il séduit la foule ». On en dit autant de Jésus. Christ lui-même et de son corps. Rappelle-toi que le corps du Christ est encore en ce monde, qu’il se trouve encore dans l’aire ; remarque aussi comment le froment y est injurié parla paille : on les foule tous les deux aux pieds ; la paille est écrasée, le froment est débarrassé de son enveloppe. Ce qui a été dit du Seigneur doit, par cela même, être un sujet de consolation pour tout chrétien contre qui se disent les mêmes choses.

12. « Toutefois, nul ne parlait ouvertement « de lui, dans la crainte des Juifs ». Mais quels étaient ceux qui gardaient le silence à son égard, dans la crainte des Juifs ? Évidemment, c’étaient ceux qui avaient dit : « Il est bon » ; et non pas ceux qui avaient dit : « Il séduit la foule ». Les paroles de ceux-ci faisaient un bruit pareil au bruit des feuilles sèches. On entendait clairement ces mots : « Il séduit la foule » ; ces autres : « Il est bon », passaient plus rapides, et comme un simple murmure, Mais aujourd’hui, mes frères, quoique n’ait point encore apparu cette gloire du Christ où nous puiserons l’immortalité, aujourd’hui son Église se dilate à tel point, et, par sa grâce, se répand de telle manière en tous lieux, qu’à peine on entend dire : « Il séduit la foule », et que de toutes parts retentissent hautement ces autres paroles : « Il est bon ».

  1. Mat. 5, 6
  2. 1Co. 10, 4 ; Nom. 20, 11
  3. Col. 3, 3
  4. Psa. 49, 3
  5. Id. 96, 3
  6. Mat. 25, 42-46
  7. Id. 3, 10