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ainsi pour ne pas être compris de tous ; car si Dieu nous communique ses secrets, il doit trouver en nous des auditeurs bien disposés, et non pas des adversaires ; pour ceux-ci, ils se raidirent contre ses paroles, aussitôt qu’ils les entendirent tomber des lèvres du Seigneur Jésus. Il leur disait de merveilleuses choses, et, sous le voile de ses paroles, se cachait l’annonce d’une grande grâce ; mais ils n’ajoutèrent aucune foi à ses discours : selon leur manière de voir, ils comprirent donc d’une façon tout humaine que Jésus avait le pouvoir ou l’intention de couper, pour ainsi dire, en morceaux, et de distribuer à ceux qui, croiraient en lui la chair dont le Verbe s’était revêtu. « Cette parole est dure », s’écrièrent – ils, « et qui peut l’écouter ? »
3. « Mais Jésus sachant en lui-même que ses disciples murmuraient ». Ils murmuraient entre eux de manière à ne pas être entendus de lui ; mais il connaissait jusqu’aux plus secrets replis de leur âme : aussi, les entendant en lui-même, il leur répondit : « Cela vous scandalise ? » Parce que je vous ai dit : Je vous donne ma chair à manger et mon sang à boire, mes paroles vous révoltent ? « Que sera-ce donc si vous voyez le Fils de l’homme monter où il était d’abord ? » Qu’est-ce ceci ? Détruisait-il par là la cause de leur émotion ? Faisait-il disparaître à leurs yeux les obscurités qui avaient donné lieu à leur scandale ? Évidemment, oui, s’ils avaient voulu le comprendre. Ils s’étaient imaginés qu’il leur distribuerait son corps, et il disait, lui, qu’il monterait au ciel dans tout son entier : « Lorsque vous verrez le Fils de l’homme monter où il était d’abord ». Oui, vous verrez, même alors, qu’il ne distribue point son corps de la manière que vous vous imaginez : oui, vous comprendrez, même alors, que l’on ne broie pas sa grâce sous les dents.
4. Et Jésus ajouta : « C’est l’esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien ». Avant d’expliquer ces paroles, aussi bien que le Seigneur nous le permettra, il est bon de ne point glisser légèrement sur ce passage : « Lorsque vous verrez le Fils de l’homme monter où il était auparavant ». Car le Christ est Fils de l’homme, il est né de la vierge Marie. Le Fils de l’homme a donc eu un commencement sur la terre ; il a eu ce commencement au moment même où il s’était revêtu d’un corps terrestre. Aussi, le Prophète avait-il dit : « La vérité est sortie du sein de la terre [1] ». Que veut donc dire le Sauveur, quand il s’exprime ainsi « Lorsque vous verrez le Fils de l’homme monter où il était auparavant ? » Il n’y aurait aucune difficulté, s’il avait dit : Si vous voyiez le Fils de Dieu monter où il était auparavant. Mais il dit : « Lorsque vous verrez le Fils de l’homme monter où il était auparavant ». Le Fils de l’homme, qui a eu un commencement sur la terre, pouvait-il être auparavant dans le ciel ? Il dit : « Où il était auparavant », comme s’il n’y était plus au moment où il parlait. Mais il dit ailleurs : « Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est au ciel [2] ». Il ne dit pas : « le Fils de l’homme » qui était, mais : « qui est au ciel ». Quand il parlait, il était sur la terre, et il disait qu’il était au ciel. Telles ne sont pas ses paroles : Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de Dieu qui est au ciel. En s’exprimant de la sorte, il veut évidemment nous faire comprendre ce que j’ai déjà expliqué à votre charité dans mon dernier discours, à savoir qu’en Jésus-Christ il y a, non pas deux personnes, mais une seule, qui est tout à la fois Dieu et homme : par là, l’objet de notre foi, c’est la Trinité et non une quaternité. Le Christ est donc un : il est composé du Verbe, d’une âme et d’un corps : il est, en même temps, Fils de Dieu et Fils de l’homme : Fils de Dieu dès toujours, Fils de l’homme dans le temps ; il est un, parce qu’il n’y a en lui qu’une seule personne. Il était dans le ciel, pendant qu’il parlait sur la terre. Fils de l’homme, il était dans le ciel de la même manière que, Fils de Dieu, il était sur la terre : Fils de Dieu, il était ici-bas dans la chair dont il s’était revêtu : Fils de l’homme, il était au ciel par son union de personne avec le Verbe.
5. Mais pourquoi ajoutait-il : « C’est l’esprit qui vivifie : la chair ne sert de rien ? » Disons-lui donc {car il nous permet de lui parler, non dans l’intention de le contredire, mais dans le désir de nous instruire) : O Seigneur, ô bon maître ! Comment se fait-il que « la chair ne serve de rien », quand vous avez dit vous-même : « Quiconque ne mangera pas ma chair et ne boira pas mon sang,

  1. Ps. 84, 12
  2. Jn. 3, 13