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le Fils a été envoyé : le Père est donc plus grand que lui, puisqu’il l’a envoyé. – Arrière toute pensée charnelle ! Le vieil homme ne songe qu’à des vieilleries : mais toi, sache donc reconnaître la nouveauté dans l’homme nouveau. Cet homme nouveau pour toi, c’est l’Ancien des jours, le Perpétuel, l’Éternel qu’il daigne te ramener à la saine appréciation des choses ! Le Fils serait-il inférieur au Père, par ce fait qu’on le dit envoyé par le Père ? Il s’agit de mission, et non point de séparation. – Mais pourtant, continue-t-on, les usages de la vie nous l’apprennent : celui qui envoie est supérieur à l’envoyé. – Les choses humaines obscurcissent l’œil de notre âme, et les choses divines le rendent plus clairvoyant. Fais abstraction de ce qui se passe en ce monde, où celui qui donne une mission semble plus grand que celui qui la reçoit. D’ailleurs, remarque-le : il est des circonstances de la vie qui plaident contre toi. Ainsi, quand un homme veut demander femme, et qu’il ne peut le faire par lui-même, il charge de cette commission un ami plus influent que lui. Ce n’est pas, à beaucoup près, le seul cas où l’on choisisse unie personne d’un rang supérieur à celle qui l’envoie. Pourquoi alors t’appuyer sur ce faux prétexte que le Père a envoyé le Fils, et que celui-ci n été envoyé par le Père, pour conclure contre le Fils ? Le soleil envoie ses rayons, mais il ne s’en sépare pas : la lune envoie sa lumière, mais lui reste unie ; une lampe projette son éclat, sans faire scission avec lui : en ces différents cas, je vois bien une émission ; mais, nulle part, je n’aperçois de séparation. Hérétique vaniteux ! Tu veux trouver ici-bas des exemples pour y appuyer ton erreur ; je te l’ai dit tout à l’heure : en maintes circonstances, les choses humaines se déclarent contre toi et te condamnent ; mais enfin, considère la différence qui se trouve entre les choses divines et les choses humaines parmi lesquelles tu voudrais trouver un exemple. L’homme qui envoie demeure à sa place, et celui qui est envoyé s’en va l’envoyeur marche-t-il avec son envoyé ? Pour le Père, qui a envoyé le Fils, il ne s’en est jamais séparé. Écoute le Sauveur : voici ses propres paroles : « L’heure viendra où vous serez dispersés chacun de votre côté, et où vous me laisserez seul : cependant, je ne suis pas seul, car mon Père est avec moi[1] ». Comment le Père a-t-il envoyé le Fils, puisqu’il est venu avec lui ? Comment l’a-t-il envoyé, puisqu’il ne s’en est jamais séparé ? Le Christ a dit ailleurs : « Mon Père, qui demeure en moi, fait les œuvres que je fais[2] ». Le Père se trouve donc dans le Fils, et il y agit. L’envoyeur ne s’est point séparé de l’envoyé, parce que tous les deux ne font qu’un.

  1. Jn. 14, 32
  2. Jn. 14, 10