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ressusciterons, ce sera pour ne plus quitter la vie. Est-ce au Père, est-ce au Fils à opérer cette résurrection finale ? Mieux que cela C’est au Père dans le Fils. Le Fils et le Père dans le Fils l’opéreront donc. Maintenant, comment prouver qu’il est ici question de la résurrection universelle ? Le voici : Le Sauveur avait dit : « Comme le Père ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut ». En conséquence de ces paroles, nous aurions pu nous imaginer qu’elles avaient trait, non pas à la résurrection qui doit servir de prélude à la vie éternelle, mais une simple résurrection miraculeuse ; pour nous détourner d’une pareille interprétation il ajoute : « Car le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ». Qu’est-ce à dire ? Il parlait de la résurrection des morts, puisqu’il disait : « Comme le Père ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le « Fils vivifie ceux qu’il veut » ; pourquoi ajoute-t-il aussitôt, en manière d’explication, ces paroles relatives au jugement : « Car le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ? » Il voulait évidemment nous faire comprendre qu’il avait fait allusion à la résurrection des morts, que suivra le jugement général.
12. « Car », dit-il, « le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ». Tout à l’heure, nous supposions que le Père fait ce que ne fait pas le Fils, et nous étions portés à le croire à cause de ces paroles : « Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il a fait » : comme si le Père agissait, et que le Fils se bornât à le regarder. Une manière tinte charnelle d’interpréter ce passage en dérobait donc le vrai sens à notre esprit, et nous faisait croire, d’une part, que le Père agissait sans le concours du Fils, et, d’autre part, que le Fils regardait le Père lui montrer ce qu’il faisait. Le Père nous semblait donc faire ce que ne faisait pas le Fils ; maintenant le Fils nous apparaît comme faisant ce que le Père ne fait pas. Comme Dieu tourne et retourne nos esprits ! Il les conduit d’ici de là, ne leur permettant de s’arrêter à aucune pensée charnelle en les agitant ainsi, il les exerce, en les exerçant il les purifie, en les purifiant il les dilate, afin de les remplir ensuite. Qu’est-ce que toutes ces paroles du Sauveur font de nous ? Que disait-il tout à l’heure ? Que dit-il maintenant ? Tout à l’heure, il nous disait que le Père montre au Fils tout ce qu’il fait ; aussi me semblait-il voir le Père agir, et le Fils le regarder ; maintenant je crois voir le contraire, c’est-à-dire, le Fils dans l’action et le Père dans le repos. « Car le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ». Quand le Fils exercera-t-il le jugement, sans que le Père l’exerce en même temps avec lui ? Qu’est-ce que cela vent dire, et comment le comprendre ? Vous êtes le Verbe Dieu ; moi, je ne suis qu’un homme. Vous dites « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ». Et moi, je lis, quelque part ailleurs, ces autres paroles tombées de vos lèvres : « Je ne juge personne, il y a quelqu’un pour rechercher et juger[1] ». De qui parlez-vous, quand vous dites : « Il y a quelqu’un pour rechercher et juger ? » Du Père, évidemment. Il recherche les injures qu’on vous fait, et il porte sur elles son jugement. Alors, comment se fait-il que « le Père ne juge personne, mais qu’il ait donné tout jugement au Fils ? » Interrogeons maintenant l’apôtre Pierre Écoutons-le nous dire dans son Epître « Jésus-Christ a souffert pour nous, vous laissant un grand exemple, afin que vous suiviez ses traces : lui qui n’a commis aucun péché, et dans la bouche de qui le mensonge n’a pas été trouvé ; quand on le maudissait, il ne répondait point par des injures ; quand on le maltraitait, il ne menaçait pas, mais il s’abandonnait au pouvoir de Celui qui juge avec justice [2] ». Comment peut-il être vrai que « le Père ne juge personne, mais qu’il ait donné tout jugement au Fils ? » Nous voilà dans l’embarras, dans un embarras qui nous fera suer, et, en nous faisant suer, nous purifiera. Efforçons-nous, avec l’aide de Dieu, de découvrir le sens profondément mystérieux de ces paroles. En voulant discuter et scruter les paroles de Dieu, nous agissons peut-être avec témérité. Mais pourquoi les a-t-il prononcées ? N’est-ce pas afin que nous en sachions la portée ? Pourquoi ont-elles retenti à nos oreilles ? N’est-ce pas afin que nous les entendions ? Pourquoi les avoir écoutées, si ce n’est pour les comprendre ? Que Dieu nous fortifie donc, et qu’il nous accorde l’intelligence dans la mesure qui lui semble convenable, et si nous ne pouvons encore puiser à la source, puissions-nous, du moins, nous désaltérer à

  1. Jn. 8, 15, 50
  2. 1 Pi. 2, 21-23