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voudrait, de la même manière que le Père la donne aux morts en les ressuscitant.
14. Que dire de cette résurrection du corps ? Pour ceux qui écoutent et qui vivent, d’où vient qu’ils vivent,-sinon de ce qu’ils entendent ? « L’ami de l’époux, qui se tient debout et l’écoute, est plein de joie à cause de la noix de l’époux[1] », et non à cause de la sienne propre ; c’est-à-dire, ils n’existent pas d’eux-mêmes : ils puisent la vie en Dieu voilà comment ils écoutent et vivent ; et tous ceux-là vivent, qui écoutent, parce que tous ceux qui obéissent ont la vie. Seigneur, dites-nous aussi quelque chose de la résurrection de la chair. Il y en a eu pour la nier, et soutenir que la résurrection opérée par la foi est la seule à laquelle on doive croire. Le Christ nous a parlé tout à l’heure de cette résurrection, et il a voulu nous animer d’une sainte espérance en nous disant que « les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et qu’ils vivront ». Il ne dit pas que, de tous ceux qui l’entendront, les uns mourront et les autres vivront ; mais que tous « ceux qui l’entendront vivront » ; car ceux qui obéiront auront la vie. Il est ici question de la résurrection des âmes, mais ne perdons pas la toi à la résurrection des corps. Seigneur, si vous ne l’affirmez pas vous-même, quelle autorité opposerons-nous à nos contradicteurs ? Toutes les sectes, assez audacieuses pour faire adopter aux hommes une religion quelconque, n’ont pas élevé le moindre doute à l’égard de la résurrection des âmes ; elles auraient craint qu’on pût leur dire : Si l’âme ne ressuscite pas, pourquoi me parles-tu ? Quel effet prétends-tu opérer en moi ? Si, de méchant que je suis, tu ne veux pas me rendre meilleur : si tu ne veux pas me retirer du péché pour me constituer dans la justice, à quoi bon me parler ? Dès lors que d’un pécheur tu fais un juste, que tu rends pieux un impie, que tu transformes un insensé en un homme sage, tu avoues que mon âme ressuscite, si je t’obéis, si j’ajoute foi à tes paroles. En cherchant à imposer aux autres leurs idées, aucun des propagateurs de fausses religions n’a pu nier cette résurrection des âmes : tous se sont accordés à l’admettre ; mais beaucoup ont nié celle de la chair, et ils ont dit que la foi l’avait déjà opérée. C’est contre de telles gens que s’élève l’Apôtre, quand il dit : « De ce nombre sont Hyménée et Philète, qui se sont écartés de la vérité en disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui ont renversé la foi de quelques-uns [2] ». À les entendre, la résurrection avait déjà eu lieu, mais de telle manière qu’on ne devait plus en espérer une autre. Aussi condamnaient-ils les hommes qui espéraient la résurrection de la chair, comma si la résurrection promise s’opérait déjà dans les âmes par la foi. L’Apôtre les condamne à son tour. Pourquoi ? Ne disaient-ils pas ce que Jésus-Christ disait lui-même tout à l’heure ? « L’heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’entendront, vivront ». Mais, te dit Jésus, je ne te parle encore que de la résurrection des âmes, et non de celle des corps : je parle de la vie de ce qui anime les corps, c’est-à-dire des âmes, qui sont pour eux la source de la vie ; car, je le sais, il y a des corps dans les tombeaux ; vos corps y seront eux-mêmes, un jour, renfermés. Je ne vous parle nullement de leur résurrection : je ne fais allusion qu’à celle de vos âmes ; ressuscitez donc spirituellement, afin de ne point ressusciter corporellement pour les supplices éternels. Toutefois, remarquez-le bien, je parle aussi de la résurrection de la chair ; car j’ajoute : « Comme le Père a la vie en soi, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir en soi la vie ». Cette vie, qui n’est autre que le Père et le Fils, à quoi a-t-elle rapport ? À l’âme ou au corps ? Cette vie de la sagesse ne pénètre point le corps, mais seulement l’âme raisonnable : de plus, toute âme ne ressent pas les influences de la sagesse ; car les bêtes ont une âme, et cette âme-là n’en éprouve point les impressions : l’âme de l’homme peut donc être vivante de cette vie que le Père a en soi, et qu’il a donné au Fils d’avoir en soi ; car c’est là évidemment « la lumière véritable qui éclaire », non pas toute âme, mais « tout homme venant en ce monde ». Puisque je parle à l’âme, qu’elle m’écoute, c’est-à-dire, qu’elle m’obéisse et qu’elle vive.
15. Seigneur, ne gardez pas le silence au sujet de la résurrection de la chair ; car les hommes pourraient ne pas y croire, et, au lieu d’être des prédicateurs, nous ne serions que des ergoteurs. Ainsi, « comme le Père a la vie en soi, de même a-t-il donné au Fils

  1. Jn. 3, 29
  2. 2 Tim. 2, 17, 18