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humaine et charnelle, avec un esprit rempli d’idées fantasmagoriques, on se représente, en quelque sorte, deux hommes dont l’un serait le père, et l’autre le fils ; dont l’un se montrerait aux regards de l’autre, dont le premier parlerait pour se faire entendre du second ; de pareilles images doivent être comme des idoles dressées dans l’esprit qui les conçoit : si nous sommes parvenus à les expulser de leurs temples, doivent-elles trouver leur refuge en des âmes chrétiennes ? Bien moins encore.
2. L’Évangéliste dit donc : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même que ce qu’il voit faire au Père ». C’est vrai, et vous devez le croire ; mais croyez aussi ce que Jean vous a dit à la première page de son livre : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu » ; n’oubliez pas, surtout, cet autre passage : « Toutes choses ont été faites par lui ». Ne séparez point l’un de l’autre, dans votre esprit, ces deux endroits du texte sacré ; mais qu’ils s’y accordent tous deux. Bien que « le Fils ne puisse rien faire de lui-même que ce qu’il voit faire au Père », le Père, néanmoins, ne fait rien sans l’intermédiaire du Fils. En effet, le Fils est son Verbe, et, « au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu, et toutes choses ont été faites par lui ; car tout ce que le Père fait, le Fils le fait aussi comme lui [1] ». Cela, et non pas autre chose, non pas d’une manière différente, mais comme lui.
3. « Car le Père aime le Fils, et il lui montre tout ce qu’il fait ». Aux paroles précitées, « que ce qu’il voit faire au Père », semblent se rapporter celles-ci : « Il lui montre tout ce qu’il fait ». Mais si le Père montre ce qu’il fait ; si, d’ailleurs, le Fils ne peut rien faire avant que le Père lui ait montré ses propres œuvres ; si, enfin, le Père ne peut les montrer au Fils avant de les avoir accomplies, il est de toute évidence qu’en agissant le Père ne se sert point de l’intermédiaire de son Fils. Mais en admettant, comme hors de doute et à l’abri de toute discussion, que le Père fait toutes choses par son Fils, nous reconnaissons, par là même, qu’il les montre au Fils avant de les faire. En effet, si le Père ne montre ses œuvres au Fils qu’après les avoir accomplies, afin que le Fils les voie et les fasse lui-même, on ne saurait le nier : il faut que ces œuvres soient faites avant d’être montrées, et que le Père agisse indépendamment du Fils. Mais le Père ne fait rien sans le Fils, parce que le Fils de Dieu n’est autre que son Verbe, et que toutes choses ont été faites par lui. Il nous reste donc peut-être cette ressource, à savoir que le Père montre au Fils ce qu’il doit faire, afin que celui-ci le fasse. Car si le Fils fait ce que le Père lui montre comme étant déjà accompli, ces œuvres, montrées par lui comme déjà faites, il les a évidemment opérées sans le Fils ; le Père pouvait-il, en effet, les montrer au Fils si elles n’avaient pas été préalablement accomplies ? Le Fils pouvait-il faire autre chose que ce qu’on lui montrait ? Certainement non : par conséquent, ces œuvres étaient accomplies parle Père sans le Fils ; mais il n’est pas douteux que « toutes choses ont été faites par lui » ; donc, elles ont été montrées avant d’être faites. Il nous faut pourtant quitter ce sujet pour le traiter plus tard ; car, nous l’avons dit, il nous faudra y revenir, lorsque nous aurons expliqué toutes les parties de la leçon, pourvu, ai-je ajouté, qu’il nous reste assez de temps ou de forces pour revenir sur ce que nous différons d’expliquer.
4. Écoutez, voici quelque chose de plus grand et de plus difficile à saisir : « Et il lui montrera d’autres œuvres plus grandes que celles-ci ? ». « Plus grandes que celles-ci ? Quelles sont celles-ci ? C’est facile à deviner. Il s’agit des œuvres dont vous avez entendu parler, c’est-à-dire de la guérison des maladies corporelles. Car, vous le savez, le discours du Sauveur, qui nous occupe en ce moment, avait été amené par la guérison qu’il avait opérée sur la personne du paralytique de trente-huit ans. Voilà pourquoi le Sauveur pouvait dire : « Il lui montrera d’autres œuvres plus grandes que celles-ci, et vous serez dans l’admiration ». Car il est des œuvres plus grandes, et le Père les montrera au Fils. Il ne les lui a pas montrées, comme au prétérit, mais « il » les lui « montrera », au futur, c’est-à-dire, il les lui fera voir, Ici se présente encore une question difficile à résoudre. Y avait-il dans le Père quelque chose qui n’eût pas encore été montré au Fils ? Y avait-il dans le Père quelque chose que le Fils ignorât encore au moment où il parlait ainsi ? En effet, « s’il devait le lui montrer »,

  1. Jn. 1, 1, 3