Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/455

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sion » ; et l’homme qui dit : « Mère Sion », s’est formé en elle ; « Il s’est fait homme dans son sein ». Car, avant qu’elle fût, il était Dieu, et il s’est fait homme en elle. Celui qui s’est fait homme en elle, « c’est le Très-Haut, et il l’a lui-même fondée [1] ». « Il s’est fait homme », et s’est anéanti ; car « le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ». C’est « le Très-haut », qui « l’a fondée » parce qu’« au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu toutes choses ont été faites par lui[2] ». Mais parce qu’il s’est formé cette patrie, il y est honoré. La patrie au sein de laquelle il s’est incarné l’a repoussé : puisse la patrie qu’il a régénérée le recevoir !

DIX-SEPTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS L’ENDROIT OÙ IL EST ÉCRIT « APRÈS CELA ARRIVA LA FÊTE DES JUIFS, ET JÉSUS MONTA À JÉRUSALEM », JUSQU’À CET AUTRE : « LES JUIFS CHERCHAIENT À LE FAIRE MOURIR, NON SEULEMENT PARCE QU’IL AVAIT VIOLÉ LE SABBAT, MAIS ENCORE PARCE QU’IL DISAIT QUE DIEU ÉTAIT SON PÈRE, SE FAISANT ÉGAL À DIEU ». (Chap. 5,4-18.)

GUÉRISON DU PARALYTIQUE.

Ce miracle est l’image de la guérison des âmes : de là son importance. La piscine figure le peuple Juif, et les cinq portiques, la loi de Moïse qui ne justifiait aucun de ses sujets. Il fallait que le Christ vint, par sa prédication, jeter le trouble parmi les pécheurs ; alors, quiconque croirait humblement en lui dans l’unité de l’Église, serait sauvé. Le paralytique, malade depuis trente-huit ans, représente l’âme pécheresse, qui n’observe point les deux préceptes de la charité, et ne peut en conscience observer ni la loi ni l’Évangile, figurés par le nombre quarante. Pour le guérir, le Sauveur lui commande de prendre son lit sur ses épaules, c’est-à-dire d’aimer le prochain qu’il voit, et de marcher, c’est-à-dire d’en venir à aimer Dieu qu’il le voit pas. À sa voix, le malade se lève, marche et finit par reconnaître son céleste médecin dans la solitude du temple. Pour les Juifs, au lieu de voir en lui le Verbe, par qui Dieu fait toutes choses, ils demeurent dans leur aveugle endurcissement.

1. Il ne doit point paraître surprenant que Dieu ait opéré un miracle, mais ce serait chose merveilleuse que l’homme en fît. Nous devons donc nous réjouir, au lieu de nous étonner, de ce que notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ s’est fait homme, plutôt que nous réjouir et nous étonner de ce que Dieu a fait, parmi les hommes, des œuvres dignes de lui. Son Incarnation parmi les hommes a contribué à notre salut plus que ses miracles, et c’était de sa part un bienfait plus considérable de guérir les âmes de leurs vices, que de délivrer de leurs maladies des corps destinés à mourir. Mais, d’une part, l’âme humaine ne connaissait point Celui qui devait la guérir ; d’autre part, l’homme avait, dans son corps, des yeux pour venir des faits matériels, sans avoir encore, dans son cœur, des yeux assez sains pour apercevoir le Dieu invisible : le Seigneur a ainsi opéré des œuvres susceptibles d’être vues par l’homme, pour purifier en lui l’organe dont l’infirmité ne lui permettait pas de contempler le Tout-Puissant. Jésus entra donc en un endroit où gisait une grande multitude de malades, d’aveugles, de boiteux, de paralytiques et comme il était le médecin des âmes et des corps, comme il était venu guérir toutes les âmes de ceux qui devaient croire en lui, parmi tous ces infirmes il en choisit un, pour lui rendre la santé. Cet unique élu devait être l’emblème de l’unité de l’Église. Si nous considérons ce miracle du Sauveur avec un cœur étroit, avec une intelligence et des idées tout humaines, le prodige ne nous paraîtra pas extraordinaire, eu égard à sa puissance et nous avouerons facilement que, relativement à sa bonté, Jésus a fait là peu de chose. Il y avait, devant lui, tant de malades, et il n’en a guéri qu’un seul, bien qu’il eût pu,

  1. Psa. 136, 5
  2. Jn. 1, 1, 3, 14