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je ne veux nullement porter préjudice à ce que vous pourriez supposer de plus juste : car nous avons tous un seul et même maître ; nous sommes tous des condisciples réunis dans la même école. Voici mon sentiment : à vous de voir s’il n’est pas conforme à la vérité ou s’il ne s’en approche pas. Jésus passa deux jours à Samarie, et les habitants de cette ville crurent en lui : il vécut longtemps en Caillée, et les Galiléens n’ajoutèrent aucune foi à sa mission. Rappelez-vous et composez à nouveau, dans votre esprit, la leçon et le sermon d’hier. Jésus était venu à Samarie ; près de cette ville et à côté du puits de Jacob, il avait entretenu une femme de grandes et mystérieuses choses, et cette femme l’avait fait avantageusement connaître à ses concitoyens : ceux-ci vinrent le voir et l’écouter, et alors ils crurent en lui sur la parole de cette femme, et leur foi comme leur nombre s’accrut en raison de ses propres paroles. Voilà le récit évangélique. « Après deux jours passés à Samarie » (ce nombre de jours était le mystérieux symbole des deux préceptes qui renferment la loi et les Prophètes [1] : nous vous l’avons ainsi expliqué dans notre instruction d’hier : vous ne l’avez pas oublié), Jésus retourne en Galilée et se rend dans la ville de Cana, de Galilée, où il avait précédemment changé de l’eau en vin. À la vue de ce prodige étonnant de l’eau changée en vin, ses disciples avaient cru en lui : l’Évangile de Jean en fait foi [2]. On ne saurait non plus le nier la maison des noces se trouvait alors remplie d’une multitude de convives. Le Sauveur opéra en leur présence ce miracle inouï, et toutefois nul d’entre eux, en dehors des disciples, ne crut en lui. Dans la circonstance présente Jésus se dirigea encore vers cette ville de la Galilée. « Or, il y avait un grand de la cour dont le fils était malade à Capharnaüm ; celui-ci alla vers lui, et le pria de descendre » dans cette ville ou dans sa maison, « et de guérir son fils, car il était près de mourir ». L’homme qui le priait ne croyait-il pas en lui ? Pourquoi attendre ma réponse à cet égard ? Interroge le Sauveur lui-même, il te dira ce qu’il en pensait ; car à cette demande de l’officier il a répondu : « Si vous ne voyez des prodiges et des miracles, vous ne croyez point ». Par là, il reprenait cet homme de la tiédeur ou de la froideur de sa foi, ou de son manque absolu de foi ; car celui-ci ne cherchait évidemment, à l’occasion de la guérison de son fils, qu’à savoir ce qu’était le Christ, qu’à connaître ce personnage et sa puissance. Nous avons entendu sa prière, sans néanmoins voir les sentiments de défiance qui l’animaient : mais nous avons appris à les connaître de la bouche même de celui qui avait entendu ses paroles et sondé les secrets replis de son cœur ; d’ailleurs, l’Évangéliste nous en a donné une preuve dans sa manière même de raconter les choses ; tout en venant prier le Sauveur de descendre dans sa maison pour guérir son fils, l’officier ne croyait pas encore en lui ; Jean nous dit en effet ceci : Lorsqu’on fut venu lui annoncer que son fils était guéri, il s’aperçut que sa guérison avait eu lieu au moment même où le Sauveur lui avait dit : « Va, ton fils se porte bien ; alors il crut, lui et toute sa famille ». Donc, s’il a cru, lui et toute sa famille, parce qu’on est venu lui annoncer la guérison de son fils, et qu’il a remarqué une concordance parfaite entre l’heure désignée par les envoyés et celle où Jésus lui avait parlé, il ne croyait pas encore au moment où il adressait au Christ sa demande. Les Samaritains n’avaient, pour croire, attendu l’opération d’aucun miracle ; pour cela, il leur avait suffi de l’entendre ; quant à ses concitoyens, ils méritèrent de recevoir de lui cette apostrophe : « Si vous ne « voyez des prodiges et des miracles, vous ne « croyez point ». Et, dans la circonstance dont il s’agit, la miraculeuse guérison du fils de l’officier ne réussit toutefois encore qu’à le convertir, lui et sa famille. À l’entendre seulement, une foule de Samaritains avaient cru en lui ; à voir ce prodige, la famille en faveur de laquelle il avait été opéré fut la seule pour lui donner sa foi. Mes frères, qu’est-ce que le Seigneur a voulu nous faire remarquer ? Alors la Galilée de Judée était la patrie de Jésus, parce qu’il y avait été élevé ; il en est autrement aujourd’hui ; en effet, le fait qui nous occupe renferme une prédiction ; car ce n’est pas sans motif qu’on a donné à de pareils événements le nom de prodiges ; ils sont évidemment l’annonce de quelque chose. Le mot prodige se rapproche du mot prophétie, qui veut dire et signifie : annonce faite d’avance et qui laisse entrevoir un fait à venir. Comme tout cela était l’annonce et la prédiction de

  1. Mt. 22, 37-10
  2. Jn. 2,1-11