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elle semble forte, et la chair créée en Adam indique sa faiblesse. Le Christ est aussi l’Église : sa faiblesse est le principe de notre force.
9. Mais pourquoi la sixième heure ? Parce que c’était le sixième âge du monde. Dans le langage de l’Évangile, on doit regarder tourne une heure le premier âge qui va d’Adam à Noé, le second qui va de Noé à Abraham, le troisième qui va d’Abraham à David, le quatrième qui va de David à la capitale de Babylone, le cinquième qui va de la captivité de Babylone au baptême de Jean ; le sixième enfin, qui a cours maintenant. Y a-t-il en cela de quoi t’étonner ? Jésus est venu, il est venu près d’un puits, c’est-à-dire qu’il s’est humilié ; il s’est fatigué à venir, parce qu’il s’est chargé du poids de notre faible humanité. Il est venu à la sixième heure, parce tue c’était le sixième âge du monde. Il est venu près d’un puits, parce qu’il est descendu jusque dans l’abîme qui faisait notre demeure. C’est pourquoi il est écrit au psaume : « Du fond de l’abîme, Seigneur, j’ai crié vers vous [1] ». Enfin il s’est assis près d’un puits, car je l’ai dit déjà, il s’est humilié.
10. « Vint une femme ». Figure de l’Église non encore justifiée, mais déjà sur le point laie devenir, car cette justification est l’œuvre de la parole. Elle vient dans l’ignorance de ce qu’était Jésus ; elle le trouve, il entre en conversation avec elle. Voyons ce qu’elle est venue faire ; voyons ce qu’elle est venue chercher : « Une femme de Samarie vint pour puiser de l’eau ». Les Samaritains n’appartenaient pas à la nation juive, et bien qu’habitant un pays voisin, ils étaient regardés comme étrangers. Il serait trop long de vous expliquer l’origine des Samaritains ; de telles digressions nous arrêteraient et nous ôteraient le temps pour le nécessaire. Qu’il nous suffise donc de mettre les Samaritains au nombre des étrangers. Ne me soupçonnez pas d’avoir mis à vous faire cette assertion plus de hardiesse que de vérité ; écoutez Notre-Seigneur lui-même ; remarquez ce qu’il dit de ce Samaritain, le seul des lépreux guéris par lui, qui fût revenu lui rendre grâces. « Tous les dix n’ont-ils pas été guéris ? Où sont les neuf autres ? Il ne s’en est pas trouvé qui soit revenu rendre gloire à Dieu, sinon cet étranger[2] ». Les convenances du mystère figuré demandaient que cette femme, qui représentait l’Église, vînt d’un peuple étranger. L’Église, en effet, devait venir des Gentils et d’un peuple étranger aux Juifs. Dans ses paroles Écoutons les nôtres, reconnaissons-nous dans sa personne et rendons grâces à Dieu de ce qu’il fait en elle pour nous. Elle était une figure, et non la réalité ; mais pour avoir été d’abord une figure, elle est devenue ensuite la réalité ; car elle a cru en celui qui nous la proposait comme une figure. « Elle vint donc puiser de l’eau ». Elle était venue en toute simplicité puiser de l’eau, comme le font d’habitude les hommes et les femmes.
11. « Jésus lui dit : Donnez-moi à boire ; car ses disciples s’en étaient allés en ville pour acheter de quoi se nourrir. Or, cette femme Samaritaine lui dit : Comment se fait-il qu’étant Juif vous me demandiez à boire, à moi qui suis Samaritaine ? car les Juifs ne communiquent pas avec les Samaritains ». Vous le voyez, c’étaient des étrangers pour les Juifs : ceux-ci ne voulaient pas même se servir des vases qui étaient à leur usage. Et comme cette femme portait avec elle un vase pour puiser de l’eau, elle s’étonne qu’un Juif lui demande à boire. Car les Juifs n’avaient pas coutume de le faire. Mais si Jésus lui demandait à boire, c’était en réalité de sa foi qu’il avait soif.
12. Enfin quel est celui qui lui demande à boire ? Écoute, l’Évangéliste va le dire : « Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu et quel est celui qui te dit : Donne-moi à boire, peut-être lui en aurais-tu demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ». Il demande et il promet à boire. Il a besoin en tant qu’il demande ; et chez lui il y a surabondance, puisqu’il doit satisfaire tous les désirs. « Si tu connaissais le don de Dieu ». Le don de Dieu, c’est le Saint-Esprit. Mais il parle à cette femme à mots couverts, et peu à peu il entre en son cœur : peut-être même l’instruit-il déjà. Où trouver une exhortation plus douce et plus engageante ? « Si tu connaissais le don de Dieu et quel est celui qui te dit : « Donne-moi à boire, peut-être lui en aurais-tu demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ». Jusqu’ici il tient en suspens l’esprit de cette femme. Dans le langage ordinaire on appelle eau vive celle qui sort de la source. Quant à la pluie qu’on recueille dans des bassins

  1. Ps. 129, 1
  2. Lc. 17, 17, 18