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s’il lui arrive de dire des choses divines, le mérite en est à Celui qui donne la lumière, et non celui qui la reçoit.
7. « Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous, et ce qu’il a vu et entendu il en rend témoignage, et ce témoignage, personne ne le reçoit. Celui qui est venu du ciel, et qui est au-dessus de tous », c’est Notre Seigneur Jésus-Christ, dont il a été dit plus haut : « Personne ne monte au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’Homme qui est au ciel [1] ». Il est au-dessus de tous, « et ce qu’il a vu et entendu, il le dit ». Car le Fils de Dieu a un Père ; il a un Père et il l’écoute. Qu’est-ce que le Fils de Dieu entend dire à son Père ? Qu’est-ce qui pourra t’expliquer ? Quand mon cœur, quand ma langue pourront-ils suffire, mon cœur à comprendre, ma langue à exprimer ce que le Fils de Dieu a entendu dire à son Père ? Peut-être le Fils a-t-il entendu la parole du Père ? Bien plus, le Fils est la parole même du Père. Vous voyez combien seraient inutiles tous les efforts de l’homme pour comprendre un pareil mystère : vous voyez la caducité de nos appréciations et la pâleur des lumières d’une âme enveloppée de ténèbres. J’entends l’Écriture m’affirmer que le Fils dit ce qu’il a entendu dire à son Père ; dans un autre endroit elle m’assure que ce même Fils est la parole du Père : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Ce que nous disons passe et s’envole ; à peine ta parole a-t-elle résonné hors de ta bouche, qu’elle n’est plus : un peu de bruit, puis, le silence. Peux-tu poursuivre le bruit qu’elle a fait pour l’arrêter et le rendre immobile ? Néanmoins la pensée reste telle et, tout en persévérant, elle enfante une multitude de paroles passagères. Que disons-nous, mes frères ? Quand Dieu a parlé, a-t-il employé une voix, des sous, des syllabes ? S’il l’a fait, quelle langue a-t-il parle ? La langue grecque, la langue hébraïque, la langue latine ? Car il est indispensable de parler la langue des différentes nations au milieu desquelles on se trouve. Mais ici personne ne peut dire que Dieu ait parlé telle ou telle langue. Examine ce qui se passe en ton cœur. Quand tu conçois une parole que tu veux proférer : (je dirai de mon mieux ce que nous pouvons remarquer en nous, sans vouloir prétendre que nous devions le comprendre ;) quand donc tu conçois une parole que tu veux proférer, tu as l’intention de dire quelque chose, et ce quelque chose, ainsi conçu en ton esprit, est déjà une parole. Cette parole ne s’est pas encore fait entendre au-dehors ; mais elle est déjà née en toi, et elle y demeure jusqu’au moment où elle en sortira. Mais avant de la laisser sortir, tu fais attention à celui à qui tu dois l’adresser, à qui tu parleras. Si c’est un latin, tu cherches un mot Latin ; si c’est un Grec, tu ne choisis que dès expressions grecques ; si c’est un carthaginois, tu vois si tu connais les termes de sa langue ; enfin, selon la diversité d’origine de ceux qui t’écoutent, tu emploies des langues diverses pour donner un corps à la parole que tu as conçue intérieurement ; mais la chose même ainsi conçue n’est circonscrite dans les termes d’aucune langue. Puisqu’en parlant Dieu n’employait aucun idiome particulier et ne choisissait pas l’un de préférence à l’autre, comment le Fils l’a-t-il entendu, puisqu’il a parlé son Fils même ? Tu as dans l’esprit la parole que tu prononces, elle se trouve en toi, elle y demeure à l’état de conception spirituelle ; car ton âme étant spirituelle, la parole que tu conçois participe à sa nature tant qu’elle n’est pas revêtue de sons et divisée en syllabes, et qu’elle demeure dans la conception de ton esprit et dans l’image que s’en forme ta pensée. Ainsi en est-il de Dieu, il prononce intérieurement sa parole, c’est-à-dire il engendre son Fils. Avec cette différence, toutefois, que l’enfantement, même intérieur de ta parole, s’opère dans le temps ; tandis que Dieu a engendré son Fils en dehors des limites du temps, puisque c’est par lui qu’il a créé tous les temps. Le Fils de Dieu est donc sa parole, il nous a dit, non pas sa propre parole, mais celle du Père ; par conséquent, il nous a dit lui-même en nous disant la parole du Père. Jean nous a enseigné ce mystère comme il le fallait et comme il convenait de le faire ; mais nous l’avons expliqué comme nous avons pu. Quant à celui qui n’a pu parvenir à s’en faire une idée aussi relevée, il sait où il faut se rendre, frapper, en chercher, en demander l’intelligence, il sait qui la lui accordera.
8. « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, et ce qu’il a vu et entendu, il en rend témoignage ; mais nul ne reçoit son témoignage ». Si personne ne reçoit son

  1. Jn. 3, 13