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à Jean dans la personne de Notre-Seigneur, qu’il ignorât encore, puisqu’il le connaissait déjà. Ne lui avait-il pas dit, en effet, au moment où il venait pour recevoir le baptême. « C’est à moi d’être baptisé par vous, et vous venez à moi ? » Et Jésus-Christ ne lui avait-il pas répondu : « Laisse-moi faire présentement, afin que s’accomplisse toute justice[1] ? »

2. L’ordre de nos lectures nous ramène donc forcément aujourd’hui au précurseur. C’est de lui que parlait à l’avance le prophète Isaïe, quand il disait : « On entend la voix de celui qui crie dans le désert : préparez la voie au Seigneur, rendez droits ses sentiers[2] ». En effet, c’est en ces termes que Jean a rendu témoignage à Jésus-Christ son Seigneur, et par un privilège de la grâce à son ami. À son tour, le Seigneur et ami de Jean lui a rendu aussi témoignage ; car il a dit de lui : « Parmi ceux qui sont nés de la femme, il n’y en a pas de plus grand que Jean-Baptiste ». Mais Jésus-Christ s’était proclamé supérieur à Jean ; et ce qui le rendait supérieur au fils d’Elisabeth, c’était sa divinité. Mais « celui qui est le plus petit », continue-t-il, « dans le royaume des cieux, est « plus grand que lui[3] ». Il lui est inférieur par l’âge, mais il est plus grand que lui par sa puissance, par sa divinité, par sa majesté, par la splendeur de sa gloire : car il est « le Verbe qui était dès le commencement, le Verbe qui était en Dieu, le Verbe qui était Dieu ». Dans les lectures précédentes, nous avons vu que Jean rendait témoignage à Notre-Seigneur, au point de le proclamer Fils de Dieu, sans néanmoins déclarer ou nier qu’il fût Dieu. À cet égard il avait gardé le silence : par conséquent, il ne s’était point prononcé pour la négative, peut-être même avait-il tant soit peu penché pour l’affirmative : nous en trouvons, ce me semble, la preuve dans la leçon d’aujourd’hui. Jean l’avait donc appelé Fils de Dieu ; mais les hommes n’ont-ils pas aussi été appelés de ce nom ? Il l’avait déclaré si grand, qu’à l’entendre, il n’était pas digne de dénouer les cordons de ses souliers[4]. Voilà déjà un degré de grandeur qui donne beaucoup à penser, le plus grand parmi ceux qui sont nés de la femme n’était pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. C’était le mettre au-dessus des anges et des hommes. Car nous lisons dans l’Écriture qu’un homme ayant voulu se jeter aux pieds d’un ange, celui-ci s’y opposa. En effet, l’Apocalypse nous apprend qu’un ange montra une vision à l’Apôtre même qui a écrit cet Évangile. Effrayé de la grandeur de ce qu’il avait vu, Jean se jeta à ses pieds : « Lève-toi », lui dit l’ange, « garde-toi de le faire, adore Dieu seul ; car pour moi, je suis comme toi et comme les frères, un de ses serviteurs[5] ». Voilà donc un ange qui empêche un homme de se jeter à ses pieds. De là n’est-il pas évident que le Christ est supérieur à tous les anges, puisque le plus grand de ceux qui sont nés de la femme a dit qu’il était indigne de délier les cordons de ses souliers ?

3. Néanmoins, Jean va nous dire quelque chose de plus positif : il va nous dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ est Dieu. Nous allons le voir dans cette leçon, car n’est-ce pas déjà à lui que s’appliquent les paroles du Psalmiste que nous venons de chanter : « Dieu a régné sur toute la terre ? » Voilà une parole que refusent d’entendre ceux qui restreignent à l’Afrique les limites de son royaume. C’est évidemment du Christ qu’il a été dit : « Dieu a régné sur toute la terre ». Avons-nous, en effet, un roi autre que Jésus-Christ Notre-Seigneur ? Oui, il est notre roi. Quelles paroles avez-vous encore entendues lorsqu’on chantait tout à l’heure l’un des derniers versets du psaume : « Chantez notre Dieu, chantez notre roi, chantez ». Celui qu’il appelle notre Dieu, il l’appelle aussi notre roi, « chantez notre Dieu, chantez notre roi, chantez avec intelligence ». Garde-toi de réduire à une seule partie de la terre la puissance de celui dont tu chantes : « Parce que le roi de toute la terre est Dieu[6] ». Comment est-il le roi de toute la terre, celui qui n’a été vu que dans une des parties du monde, dans la Judée, à Jérusalem, où il a conversé avec les hommes, où il est né, où il a sucé le lait de sa mère, où il a grandi, où il a bu et mangé, où il a veillé et dormi, où, étant fatigué, il s’est assis près d’un puits ; où il a été saisi, flagellé, couvert de crachats, couronné d’épines, attaché à la croix, percé d’une lance, où il est mort et a été enseveli ? Comment reconnaître en lui le roi de toute la terre ? Ce qui se voyait dans un lieu n’était que sa chair ; sa chair apparaissait aux yeux de la

  1. Mat. 3, 1-15
  2. Isa. 40,3
  3. Mat. 11, 11
  4. Jn. 1, 34, 27
  5. Apo. 12, 8-9
  6. Psa. 46, 3, 7-8