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Au contraire, en changeant l’eau elle-même en vin, il nous a montré que l’Ancien Testament vient de lui ; car c’est par son ordre que les urnes ont été remplies. C’est donc du Seigneur que viennent les anciennes Écritures ; mais si l’on n’y reconnaît pas Jésus-Christ, elles n’ont pas de saveur.
6. Considérez ce qu’il dit lui-même : « Ce qui a été écrit de moi dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes ». Nous savons de quelle époque part le récit de la loi c’est dès l’origine du monde. « Au commencement ; Dieu fit le ciel et la terre [1] ». Depuis celte époque jusqu’au temps présent, on compte six différents âges ; on vous l’a dit souvent, et vous le savez. Le premier âge va d’Adam à Noé ; le second, de Noé à Abraham, selon l’ordre qu’établit et suit l’Évangéliste Matthieu ; le troisième va d’Abraham à David le quatrième, de David à la captivité de Babylone ; le cinquième, de la captivité de Babylone à Jean-Baptiste[2] ; le sixième, de Jean-Baptiste à la fin du monde. Dieu a fait l’homme à son image le sixième jour[3], parce que c’est en ce sixième âge que s’est manifesté par l’Évangile le renouvellement de notre esprit, selon l’image de celui qui nous a créés[4]. En ce jour, L’eau s’est changée eu vin, afin que nous goûtions le Christ manifesté dans la loi elles Prophètes. C’est pour cela que les urnes qu’il ordonnait de remplir avec de l’eau étaient au nombre de six. Ces six urnes signifiaient donc les six âges du monde pendant lesquels il y eut toujours des prophéties. Ainsi distribués et distingués les uns des autres comme par des articulations diverses, ces six âges auraient été comme des vases vides si Jésus-Christ ne les avait remplis. Pourquoi même donner le nom d’âges ides temps qui se seraient inutilement écoulés si, pendant leur cours, le Seigneur n’avait pas été annoncé ? Les prophéties ont reçu leur accomplissement, on a rempli les urnes ; mais pour que l’eau soit changée en vin, il faut que dans toutes ces prophéties on reconnaisse Jésus-Christ.
7. Que signifient donc ces paroles : « Elles contenaient deux ou trois mesures ? » Cette manière de parler signale à notre attention un grand mystère. L’Évangéliste appelle metreta des vases servant de mesures, comme une urne, une amphore ou bien un objet pareil. Le mot métrète est le nom de la mesure, et ce nom de mesure dérive lui-même du mot mesure. En effet, metron en grec, signifie mesure ; de là le mot métrète. « Elles renfermaient donc deux ou trois mesures ». Que disons-nous, mes frères ? S’il n’était question que de trois mesures, notre esprit se reporterait tout droit au mystère de la Trinité. Mais de ce que l’Évangéliste a dit : « deux ou trois », il ne suit peut-être pas que nous devions renoncer immédiatement à cette interprétation. Car le Père et le Fils étant une fois nommés, il faut nécessairement supposer l’existence du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit n’est pas seulement l’Esprit du Père ou seulement l’Esprit du Fils, il est tout à la fois l’Esprit du Père et l’Esprit du Fils. En effet, il est écrit : « Si quelqu’un aime le monde, l’Esprit du Père n’est point en lui[5] ». Et ailleurs : « Quiconque n’a pas l’Esprit du Fils n’est point de lui[6] ». Le Père et le Fils ont donc le même Esprit ; d’où il suit que nommer le Père et le Fils, c’est sous-entendre le Saint-Esprit, puisqu’ils ont tous deux un même Esprit. Quand on nomme le Père et le Fils, c’est comme si l’on disait deux mesures ; et quand on entend parler du Saint-Esprit, c’est trois mesures. Aussi l’Évangile ne dit-il pas que les urnes contenaient, les unes deux mesures, les autres trois ; mais que les six urnes « contenaient deux ou trois mesures ». Comme s’il disait : Quand je dis deux mesures, je veux que l’Esprit du Père et du Fils soit compris avec eux ; et quand je dis trois, j’énonce plus clairement la sainte Trinité.
8. Ainsi, quiconque nomme le Père et le Fils, doit sous-entendre la charité mutuelle du Père et du Fils, qui est le Saint-Esprit. Peut-être même (et je ne dis pas ceci comme si j’étais en mesure de le prouver aujourd’hui, ou comme si personne ne pouvait trouver une autre manière d’interpréter ce texte), peut-être même l’examen et la discussion des Écritures montreraient-ils que le Saint-Esprit est la charité même. En tous cas, ne supposez pas que la charité soit chose méprisable. La charité pourrait-elle n’avoir aucun prix quand de tout ce qui a du prix nous disons qu’il est cher ? Si donc tout ce qui n’est pas de vil prix est cher, peut-il y avoir rien de plus cher

  1. Gen. 1, 1,
  2. Mt. 1, 17
  3. Gen. 1, 27
  4. Col. 3, 10
  5. Jn. 2, 15
  6. Rom. 8, 9