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contente de croire d’une foi très-ferme que Jésus a fait cette réponse et qu’il l’a faite à sa mère. Par cette soumission pieuse, il méritera de comprendre pourquoi Jésus a fait cette réponse, s’il frappe à la porte de la vérité par ses prières et ne s’en approche pas avec un esprit de contention et de querelle. Seulement, qu’il y prenne garde ; au lieu d’avoir l’intelligence de cette réponse ou de rougir de ce qu’il ne l’aurait pas, il pourrait être forcé de croire que l’Évangéliste a menti en disant : « La mère de Jésus y était » ; ou que le Christ lui-même a souffert pour nos péchés une mort simulée ; qu’il a montré pour notre justification de fausses cicatrices ; qu’il a dit faussement : « Si vous demeurez en ma parole, vous êtes véritablement mes disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité nous rendra libres [1] ». Car si sa mère n’est que supposée, comme aussi sa chair, comme sa mort, comme les blessures de sa Passion, comme les cicatrices de sa Résurrection, ce n’est plus la vérité qui rendra libres ceux qui croient en lui, mais c’est la duperie. Que plutôt la duperie laisse la place à la vérité, et qu’ils soient confondus ceux qui en paraissant véridiques veulent prouver que le Christ était menteur. Ils ne veulent pas qu’on leur dise : Nous ne vous croyons pas parce que vous mentez, bien qu’ils accusent de mensonge la Vérité même. Cependant, si nous leur demandons : Comment savez-vous que le Christ a dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » ils répondent qu’ils en croient l’Évangéliste. Pourquoi n’en croient-ils pas l’Évangile, lorsqu’il dit : « La mère de Jésus y était » ; et : « Sa mère lui dit » ; ou bien, si l’Évangile est menteur en ce point, pourquoi croient-ils que Jésus a dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » Ou plutôt, pourquoi ces malheureux ne croient-ils pas fidèlement que le Seigneur a ainsi répondu, non à une étrangère, mais à sa mère, et ne cherchent-ils pas pieusement pourquoi il a fait cette réponse ! Car, il y a une grande différence entre celui qui dit : Je voudrais savoir pourquoi le Christ a ainsi répondu à sa mère et celui qui dit : Je sais que la femme à laquelle le Christ a ainsi répondu n’était pas sa mère. Autre chose est de vouloir comprendre ce qui n’est pas clair, autre chose de ne vouloir pas croire ce qui est évident. Celui qui dit : Je voudrais savoir pourquoi le Christ a ainsi répondu à sa mère, demande qu’on lui fasse comprendre l’Évangile auquel il croit ; mais celui qui dit : Je sais que la femme à laquelle le Christ a ainsi répondu n’était pas sa mère, accuse de mensonge l’Évangile lui-même, puisqu’il croit que le Christ a fait cette réponse.

8. Si vous y consentez, mes frères, laissons dans leur aveuglement les malheureux destinés à y croupir toujours, à moins que l’humilité ne les guérisse ; puis cherchons pourquoi le Seigneur a ainsi répondu à sa mère. Il y a cela de singulier en Notre-Seigneur, qu’il est né d’un père sans le secours d’une mère, et d’une mère sans l’intermédiaire d’un père : comme Dieu, il n’avait pas de mère ; comme homme, il n’avait pas de père : avant le temps, il était sans mère ; il était sans père, avant la fin des temps. Ce qu’il a répondu, il l’a répondu à sa mère ; car, « la mère de Jésus y était » et « sa mère lui dit ». Tout cela se trouve dans l’Évangile. Il nous apprend que « la mère de Jésus y était », et que Jésus lui dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon heure n’est pas encore venue ». Croyons le tout, et ce que nous ne comprenons pas encore, cherchons à le saisir ; mais d’abord prenez garde, car de même que les Manichéens ont trouvé un prétexte à leur perfidie dans cette parole du Seigneur : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » ainsi les mathématiciens trouveront peut-être un prétexte à leurs mensonges dans cette autre : « Mon heure n’est pas encore venue ». Et si le Seigneur l’a dite en leur sens, nous avons commis un sacrilège en brûlant leurs livres. Si, au contraire, nous avons eu raison d’imiter ce qui se faisait du temps des Apôtres[2], le Seigneur n’a pas dit en leur sens : « Mon heure n’est pas encore venue ». Les hâbleurs et ceux qui séduisent les autres après s’être laissé séduire eux-mêmes, disent : Tu vois bien que le Christ était soumis à la fatalité, puisqu’il a dit : « Mon heure n’est pas encore venue ». Auxquels donc répondrons-nous d’abord : aux hérétiques ou aux mathématiciens ? Les uns et les autres procèdent de l’ancien serpent, puisqu’ils veulent tous corrompre la virginité du cœur de l’Église qui se trouve dans l’intégrité de sa foi. Commençons, si vous le trouvez

  1. Jn. 8, 3-32
  2. Act. 19, 19