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était : le Seigneur même lui rend témoignage. Tel que nous le fait connaître le témoignage de Jean, le Sauveur est grand. Bienheureux nous apparaît Nathanaël, d’après le témoignage de la Vérité. Certes, le Seigneur n’avait nul besoin d’être recommandé par le témoignage de Jean ; car il se rendait à lui-même témoignage ; la Vérité se sert à elle-même de témoin, et cela est suffisant pour elle. Mais parce que les hommes étaient incapables de trouver la Vérité, ils la cherchaient au moyen d’un flambeau ; aussi Jean fut-il envoyé pour montrer le Seigneur. Écoute le Seigneur rendant témoignage à Nathanaël : « Et Nathanaël dit à Philippe : De Nazareth il peut venir quelque chose de bon, Philippe lui dit : Viens et vois. Et Jésus vit Nathanaël qui venait à lui, et il dit : Voici un vrai Israélite en qui il n’y a pas de ruse ». Témoignage considérable qui n’a été rendu ni à André, ni à Pierre, ni à Philippe, mais uniquement à Nathanaël. « Voici un véritable Israélite en qui il n’y a pas de ruse ».
17. Qu’est-ce à dire, mes frères ? N’aurait-il pas dû être le premier des Apôtres ? Non – seulement on ne le trouve pas au premier rang parmi eux ; on ne le trouve ni à un rang intermédiaire, ni même au dernier, ce Nathanaël auquel le Fils de Dieu a rendu un si grand témoignage : « Voici un vrai Israélite en qui il n’y a pas de ruse ». Quelle en est la cause ? Autant que le Seigneur me la fait connaître vraisemblablement, la voici. Nous devons comprendre que Nathanaël était un homme instruit et habile dans la loi : or, le Seigneur n’a pas voulu le mettre au nombre de ses disciples, parce qu’il ne voulait choisir que des ignorants, afin de confondre le monde. Écoute, voici comme s’en exprime l’Apôtre : « Considérez, mes frères, ceux qui parmi vous ont été appelés, il s’y trouve peu de sages selon la chair, peu de puissants, peu de nobles ; mais Dieu a choisi ce qui est faible selon le monde pour confondre ce qui est fort ; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et ce qui n’est « rien comme ce qui est, afin que ce qui est soit détruit[1] ». Si Nathanaël, qui était savant, avait été choisi, peut-être aurait-il pensé que sa science l’en avait rendu digne. Or, Notre-Seigneur Jésus-Christ voulant briser l’orgueil des superbes, ne s’est pas servi d’orateurs pour prendre le pêcheur, mais par un pêcheur il a gagné l’empereur. Cyprien est un grand orateur, mais avant lui est venu Pierre le pêcheur, par qui devait croire non seulement l’orateur, mais encore l’empereur. Aucun noble, aucun savant n’a été choisi pour commencer : Dieu n’a choisi que ce qui était faible selon le monde pour confondre ce qui était fort. Ainsi ce grand homme en (lui il n’y avait pas de ruse n’a pas été choisi, et ç’a été uniquement parce que Dieu ne voulait pas paraître avoir choisi des savants. Il connaissait si bien la loi, que quand il entendit prononcer le nom de Nazareth (car il avait étudié à fond les Écritures ; il savait qu’on devait attendre de là le Sauveur du monde, ce que les Pharisiens et les autres docteurs de la loi ne connaissaient pas aussi bien), quand donc cet homme profondément versé dans la science des Écritures, et qui les connaissait si parfaitement eut entendu dire à Philippe : « Celui dont Moïse a écrit dans la loi, que les Prophètes ont annoncé, nous l’avons trouvé, c’est le Fils de Joseph, Jésus de Nazareth ». Au seul nom de Nazareth il sentit se raviver ses espérances et il dit : « De Nazareth il peut venir quelque chose de bon ».
18. Voyons ce qui le concerne encore : « Voici un véritable Israélite en qui il n’y a pas de ruse ». Qu’est-ce à dire : e En qui il n’y a pas e de ruse ? o N’était-il pas pécheur ? N’était-il pas malade ? Le médecin ne lui était-il pas nécessaire ? Non, personne ici-bas n’est venu au monde avec ce privilège de n’avoir nul besoin d’un tel médecin. Que signifie donc : « En qui il n’y a pas de ruse ? » Redoublons d’attention pour un moment, et bientôt la grâce de Dieu nous le fera découvrir. Le Seigneur se sert du mot ruse ou dol, et quiconque comprend le latin sait que dol consiste à faire une chose et à en penser une autre. Que votre charité remarque bien ceci. Dol n’est pas la même chose que douleur, et si je le dis, c’est que plusieurs de nos frères, peu habiles dans la langue latine, s’y trompent souvent, et disent : le dol le tourmente, au lieu de, la douleur le tourmente, Le dol est une fraude, une dissimulation. Par exemple, un homme cache une chose dans son cœur et en dit une autre, voilà un dol. C’est comme s’il avait deux cœurs, deux appartements, dans l’un desquels il voit la vérité, tandis que dans

  1. 1 Cor. 1, 26-28