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par l’Évangile que le Seigneur fit quitter leur barque à Pierre et à André, en leur disant : « Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes [1] ». Et de ce moment ils s’attachèrent à lui et ne te quittèrent plus. De ce que les deux disciples le suivent alors, il ne résulte pas qu’ils le suivirent pour ne plus le quitter ; mais ils voulurent voir où il demeurait et faire ce qui est écrit : « Que ton pied use le seuil de sa porte, lève-toi souvent pour aller le voir et t’instruire de ses Préceptes [2] » Il leur montra où ils demeuraient, ils vinrent et passèrent ce jour-là à causer avec lui. Quel bienheureux jour ils passèrent ! Quelle bienheureuse nuit ! Qui nous dira ce qu’ils ont entendu de la bouche du Sauveur ? Bâtissons, nous aussi, dans notre cœur, et faisons-lui une maison où il vienne nous instruire et s’entretenir avec nous.
10. « Que cherchez-vous ? Ils lui dirent : « Rabbi, c’est-à-dire Maître, où demeurez-vous ? Il leur dit : Venez et voyez. Et ils vinrent et ils virent où il demeurait, et passèrent avec lui ce jour-là. C’était environ la dixième heure ». Pensons-nous que l’Évangéliste n’avait aucun motif de nous dire quelle heure il était ? Est-il possible qu’il n’ait rien voulu nous faire remarquer ? qu’il n’ait pas voulu nous exciter à découvrir quelque chose ? Il était dix heures. Ce nombre dix signifie la loi, parce que la loi a été donnée en dix préceptes. Or, le temps était venu où la loi serait accomplie par la charité ; car les Juifs ne pouvaient l’accomplir par la crainte. Ce qui fait dire à Notre-Seigneur : « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l’accomplir[3] ». C’est donc avec raison que, sur la parole de l’ami de l’Époux, ses disciples se mirent à la suite du Christ à la dixième heure, et qu’au même moment le Sauveur fut appelé par eux : « Rabbi », c’est-à-dire Maître. Si le Seigneur s’entendit appeler : « Rabbi », à la dixième heure, et si le nombre dix marque la loi, le Maître de la loi n’est autre que celui qui a donné la loi. Que personne ne dise : Autre est celui qui a donné la loi, autre est celui qui enseigne. Celui-là l’enseigne qui l’a donnée. Il est à la fois le Maître et le docteur de la loi. Ses paroles sont empreintes de miséricorde ; aussi enseigne-t-il miséricordieusement la loi, ainsi qu’il est dit de la Sagesse : « Elle porte la loi et la miséricorde sur sa langue [4] ». Ne crains donc pas de ne pouvoir accomplir la loi ; aie recours à la miséricorde. Si c’est trop pour toi d’accomplir la loi, utilise ce contrat, le titre est la prière que l’a donnée et qu’a composée pour toi ce jurisconsulte céleste.
11. Ceux qui ont un procès et qui veulent adresser à ce sujet une supplique à l’empereur, cherchent quelque légiste habite qui rédige leur requête ; car ils ont peur, s’ils demandent autrement qu’il ne faut, non seulement de ne pas obtenir ce qu’ils demandent, mais même de se voir punis au lieu d’être favorisés. Les Apôtres voulaient adresser une supplique à l’Empereur-Dieu, et ne savaient comment s’y prendre pour arriver jusqu’à lui : c’est pourquoi ils dirent au Sauveur : « Seigneur, enseignez-nous à prier », c’est-à-dire, notre jurisconsulte, notre conseiller, ou plutôt, notre assesseur, composez-nous notre prière. Et, par une formule puisée au livre de la jurisprudence céleste, le Seigneur leur apprit à prier, et dans cette formule même il mit une condition : « Remettez-nous nos dettes comme nous remettons à nos débiteurs[5] ». Si tu ne demandes pas selon la loi, tu deviens criminel. Devenu criminel, crains-tu le Juge ? Offre le sacrifice de l’humilité, offre le sacrifice de la miséricorde, dis en tes prières : Remettez-moi, comme je remets. Mais si tu le dis, fais-le. Que feras-tu, en effet ? Où iras-tu, si tes prières sont des mensonges ? Comme on dit au barreau, non seulement In seras privé du bénéfice de ton rescrit, mais ce rescrit lui-même tu ne l’obtiendras pas. C’est une maxime de droit : quand un homme a menti dans sa requête, la grâce qu’il a obtenue devient nulle. Ceci a lieu parmi les hommes, car l’homme a pu être trompé, l’empereur a pu être induit en erreur quand lu lui as présenté ta requête ; tu as dit ce que tu as voulu, et celui à qui tu l’as dit ignore si tu as dit la vérité. Aussi laisse-t-il à ton adversaire le soin de prouver ton mensonge, afin que si tu en es convaincu devant le juge, tu sois privé du bénéfice de ce rescrit que tu as porté devant lui ; car il n’a pu s’empêcher de t’accorder la grâce que tu sollicitais, vu qu’il ignorait si tu disais vrai ou non. Mais Dieu, qui sait si tu dis la vérité ou un mensonge, n’agit pas seulement de manière à rendre ta requête nulle à son tribunal :

  1. Mt. 4, 19
  2. Sir. 6, 36, 37
  3. Mt. 5, 17
  4. Prov. 31, 26
  5. Lc. 11, 1-4